Pour les vacances de la Toussaint, Nantes propose une traversée de l’Atlantique au bilan carbone modeste : il suffit, en effet, de se rendre au Musée d’arts de la ville, auquel on accède, de la gare, en coupant par le Jardin des plantes, teinté d’or et de roux en ce début d’automne. Sur les deux étages du bâtiment, splendidement rénové et agrandi en 2017, l’établissement présente une exposition qui nous fait revivre les voyages entrepris, dans l’entre-deux-guerres, sur des immeubles flottants, de l’Europe vers l’Amérique – à l’époque, on ne s’inquiétait pas de leur impact sur l’environnement.
Intitulée « Paquebots 1913-1942. Une esthétique transatlantique », coproduite avec deux musées de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) et le Musée d’art moderne André Malraux du Havre (Seine-Maritime) – MuMa –, qui l’accueillera à partir du 5 avril 2025, elle s’attache à montrer comment, avec leur silhouette épurée et leurs lignes géométriques, leur machinerie de pointe, ces vaisseaux, seuls à assurer les liaisons entre les deux continents, ont fasciné l’avant-garde artistique – futuriste, cubiste, constructiviste… – et contribué au développement d’une esthétique moderniste internationale.
Les commissaires ont fait le choix d’inscrire leur présentation entre deux dates-clés : 1913, année de l’Armory Show, première grande exposition internationale d’art moderne sur le sol américain qui fit découvrir aux artistes et au public des Etats-Unis l’avant-garde européenne, et 1942, date de la disparition, dans le port de New York, du fleuron français de l’ingénierie navale, le Normandie, coulé après avoir été en partie détruit par un incendie.
Dominante géométrique
C’est par des affiches publicitaires que commence la visite, dans une scénographie élégante à dominante géométrique, en harmonie avec le propos, et qui a le mérite de bien garder son cap, sans s’éparpiller. Dans les années 1920-1930, la concurrence est rude pour attirer une clientèle de luxe curieuse d’aller découvrir l’Amérique, et les compagnies font appel à des graphistes de renom. Sur une affiche signée de l’artiste Cassandre (1901-1968), la proue noire et fuselée du Normandie, assurant la liaison Le Havre-New York, représenté de face, occupe les trois quarts de l’image ; l’envol de quelques mouettes semblables à des virgules donne la mesure du gigantisme du bâtiment. Pour la compagnie Holland America Line et son Nieuw Statendam, le même Cassandre poursuit dans sa veine géométrique mais porte cette fois son regard sur les manches à air, ces gros tubes aux allures de périscope dressés sur le pont et servant à l’aération.
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