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Histoires Web dimanche, octobre 27
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Agé de 68 ans, le peintre, sculpteur, écrivain et dessinateur de BD publie Débâcles, aux éditions Les Etages, récit de voyages entre l’Antarctique et le massif des Ecrins, avec le photographe animalier Jérémie Villet. En 2022, Jean-Marc Rochette a connu un immense succès avec La Dernière Reine (Casterman), sacré meilleur livre de l’année 2022 par le magazine Lire. L’alpiniste vit depuis 2017 dans un village de montagne, niché dans le massif des Ecrins, et s’apprête à ouvrir une galerie d’art à Grenoble, où nous l’avons rencontré pendant près de trois heures.

Je ne serais pas arrivé là si…

… Si je n’avais pas eu un terrible accident en montagne, à l’âge de 20 ans. Je grimpais, en solo, dans le Vercors. J’ai reçu une pierre en pleine tête. Une douleur insoutenable. J’ai eu la mâchoire arrachée, cru que je crachais ma langue. J’ai vu la mort en face. J’étais un jeune homme de 20 ans qui plaisait aux filles. Je me suis retrouvé défiguré. Ma vie a radicalement changé.

En quoi votre vie a-t-elle changé ?

Je me préparais à devenir guide en haute montagne. Après l’accident, j’ai commencé à avoir peur. Mon corps avait morflé, il se souvenait. Cinq ans après ma sortie de l’hôpital, je suis parti grimper au Mali, dans l’Hombori Tondo : des grandes voies de 600 mètres de haut, en plein Sahel. C’était loin de tout, très dur. J’ai réalisé que je prenais des risques inconsidérés. Pour la première fois, je voyais ce que j’avais à perdre. A l’époque, j’avais commencé à dessiner. J’ai arrêté l’escalade de haut niveau, et j’ai été publié.

Où avez-vous grandi ?

Mon père, médecin appelé, a été tué en Algérie en 1957. Ma mère s’est retrouvée veuve à 26 ans. En reprenant ses études, elle m’a confié à mes grands-parents, avec lesquels j’ai vécu du côté de Condrieu [Rhône]. Le père de ma mère était un joueur de rugby, l’un des premiers pros. Ma grand-mère, fille de bistrotiers, tenait une guinguette au bord du Rhône. J’ai été élevé par des gens nés au début du XXe siècle. Un autre monde.

Que savez-vous de votre père ?

Il venait d’Ardèche, d’une famille de paysans des montagnes. Il parlait grec, latin, allemand, était très fort pour les études. Incarnation de l’ascension républicaine, il est devenu médecin. Je crois que c’était quelqu’un d’assez doux, et qu’il n’aurait pas dû faire la guerre. Alors que son père, un héros de la Résistance, était fait pour ça, même s’il ne s’en est jamais remis. La mère de mon père se faisait oublier. Elle était toujours vêtue de noir, parce qu’elle passait de deuil en deuil : celui de ses deux frères, tués à la guerre de 1914-1918, puis celui de son fils. Elle était très croyante, tandis que mon grand-père était un bouffeur de curés. Ils étaient pauvres. Mon père est enterré à Condrieu. Mes grands-parents m’emmenaient sur sa tombe tous les week-ends.

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