A La Réunion, l’ordre des médecins dissous après une plainte étouffée et une élection irrégulière

Un manque d’« impartialité », de « multiples controverses et un climat de fortes conflictualités internes », une défiance à l’égard des instances nationales… La liste des « dysfonctionnements » reprochés par l’agence régionale de santé (ARS) au conseil départemental de l’ordre des médecins (CDOM) de La Réunion est longue.

Ces griefs ont conduit, mercredi 23 octobre, le directeur de l’ARS de l’île, Gérard Cotellon, à signer un arrêté de dissolution du CDOM, qui regroupe environ 3 300 praticiens. « Une décision exceptionnelle », explique-t-il, afin de « rétablir les conditions de la confiance des médecins de La Réunion ».

Cette dissolution a été opérée à la demande du conseil national de l’ordre des médecins, qui l’avait déjà requise en 2022, sans l’obtenir. Contacté, le Conseil national refuse de communiquer plus avant, et se borne à reconnaître le caractère exceptionnel d’une telle décision, évoquant seulement « deux précédents connus et confirmés par l’ordre ».

Mesure de rétorsion

Outre les violents litiges qui opposent depuis plusieurs années les médecins, divisés entre la majorité élue au CDOM en 2021 et son opposition, deux affaires étroitement imbriquées ont incité l’ARS à réagir. D’abord, les élections du 21 juin visant à renouveler la moitié du conseil départemental. Un scrutin finalement annulé par tribunal administratif de Saint-Denis, le 17 octobre, à la suite d’irrégularités.

Ensuite, les plaintes pénales et ordinales lancées en 2023 par une médecin généraliste de l’île, Lise François, qui accuse de violences conjugales son ex-époux, médecin, Benjamin Dusang, qui a présidé le CDOM entre 2021 et juin 2024. Lors des dernières élections ordinales, deux binômes, dont celui de M^me François, ont été interdits de se présenter par décision du CDOM. La médecin dénonçait une mesure de rétorsion.

Les juges administratifs lui ont donné raison, en estimant que les deux binômes avaient été « irrégulièrement évincés ». Dans son arrêté, dont Le Monde a pris connaissance, l’ARS considère que le conseil départemental a refusé de « se placer sous le contrôle » de l’ordre national, qui s’était opposé au rejet des candidatures des deux binômes.

« Soulagés »

Ce scrutin n’a fait qu’accentuer les accusations du conseil national de l’ordre des médecins, qui reprochait déjà aux responsables réunionnais de l’ordre d’avoir étouffé la plainte pour violences conjugales de M^me François contre son ancien conjoint. A la suite du signalement de la plaignante, en juin 2023, le CDOM « s’est limité à auditionner le dr Benjamin Dusang », alors même que celui-ci présidait l’ordre, mais n’a jamais entendu la plaignante, relève l’ARS. Le conseil départemental avait ensuite choisi de ne pas saisir la chambre disciplinaire pour instruire l’affaire, en dépit des recommandations du conseil national de l’ordre.

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