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Histoires Web samedi, octobre 19
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ARTE.TV – À LA DEMANDE – DOCUMENTAIRE

C’est une blague parmi tant d’autres, que l’on entendait à la fin des années 1940 et au début des années 1950 en Europe centrale, dans des pays libérés du joug nazi par l’Armée rouge et subissant, dès 1945, une soviétisation forcée : « Le premier jour, j’allume la radio : Staline. Le deuxième jour, j’ouvre un journal : Staline. Le troisième jour, j’ouvre la fenêtre : un poster de Staline. Le quatrième jour, je n’ose pas ouvrir une boîte de conserve ! »

Documentariste réputée, Tania Rakhmanova a truffé son documentaire divisé en trois parties de plaisanteries qui circulaient dans certains pays « frères », de la Hongrie à la Pologne en passant par la Tchécoslovaquie, sans oublier l’est de l’Allemagne. Elle a surtout retrouvé de nombreux témoins qui étaient enfants ou adolescents en 1945 et qui, face caméra, racontent leur quotidien dans des pays soumis à une soviétisation aussi rapide que brutale, lors d’une période charnière en Europe centrale et orientale, qui va de 1945 à la construction du mur de Berlin en août 1961.

Autre atout de ce documentaire, des archives filmées d’époque rarement vues en Europe de l’Ouest (reportages des télévisions polonaise, hongroise, tchèque ou est-allemande, films de propagande, publicités) ainsi que des extraits de longs-métrages de fiction vantant plus ou moins grossièrement les mérites du socialisme à la mode de Moscou.

Mise au pas général

La période choisie par Rakhmanova (1945-1961) est passionnante. Une époque de mise au pas générale, avec programmes scolaires bouleversés, architecture soviétisée, pénuries, surveillance des citoyens, arrestations arbitraires. Mais c’est aussi un moment qui laissait encore croire à un avenir débarrassé de l’occupant-libérateur soviétique dans un avenir plus ou moins proche. « J’ai toujours voulu comprendre comment des Européens qui n’avaient aucune envie de devenir communistes avaient vécu leur rattachement forcé au monde soviétique. Je suis partie à la recherche de celles et ceux qui sont encore vivants et qui ont vécu au quotidien les premières années du nouveau régime », résume la documentariste, qui ajoute : « J’ai voulu raconter comment, dans ce nouveau monde imposé, les gens trouvent leur place. »

Au fil des entretiens, la vie quotidienne se dévoile. « Jusqu’à la fin des années 1940, on était vraiment dans la survie. Ce qui était politique, on l’acceptait sans discuter. Ce qui comptait, c’était avant tout un toit sur la tête, du chauffage et à peu près de quoi manger », se rappelle un habitant de l’est de l’Allemagne. Après la mort de Staline en mars 1953, l’espoir d’une plus grande liberté de mœurs traverse les pays « frères ». Mais dès octobre 1956, les chars soviétiques dans les rues de Budapest mettent un terme dans un bain de sang aux rêves d’émancipation.

Pour supporter la vie quotidienne dans son pays soviétisé, les blagues font partie intégrante de cette culture d’Europe de l’Est et permettent d’évacuer certaines frustrations. Une dernière plaisanterie : « Quelle est la différence entre la République populaire de Pologne et un navire en haute mer ? Aucune. Les horizons sont vastes, on ne peut pas en descendre et on a envie de vomir ! »

Rideau de fer, l’occupation soviétique de Tania Rakhmanova (Fr.-Hong, 2024, 3 × 55 min). Sur Arte.tv jusqu’au 20 avril 2025.

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