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Souvent valorisées par des politiques désireux de mettre un peu de chair sur une « amitié franco-chinoise » qu’ils sont bien en peine de définir, les relations culturelles entre les deux pays ne se limitent pas aux grandes expositions régulièrement organisées de part et d’autre. Le troisième numéro de la revue chinoise Leap, sorti le 10 octobre, le prouve.

Leap est éditée à Hongkong. Sa première livraison, bilingue, remonte à 2015 (« Les communautés flottantes »), la seconde à 2016 (« Au sommet, le Verbe »), et la troisième (« Habiter le flux ») a dû attendre huit ans avant de trouver le chemin des librairies. Une longue interruption officiellement due au Covid-19, mais qu’expliquent sans doute aussi un certain éloignement et la difficulté à trouver des annonceurs pour financer un volume de trois cents pages richement illustré. Les 60 ans des relations diplomatiques entre Paris et Pékin célébrés cette année ont heureusement permis de relancer la dynamique.

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Certes, la Chine de 2024 n’est plus celle de 2015. On n’imagine plus dans ce type de revues soumises à la censure un grand texte sur l’artiste Ai Weiwei ou une enquête consacrée à l’influence de la scène queer sur la culture chinoise, comme ce fut le cas en 2015. Voir certains auteurs chinois évoquer explicitement la Révolution culturelle quand d’autres préfèrent prudemment parler d’« une époque d’intenses turbulences » en dit long sur le climat actuel à Pékin.

Classicisme et audace

Néanmoins, ce troisième numéro est très riche. On le doit à deux Chinoises francophones : Cao Dan et He Jing. La première, directrice de la publication, est une figure incontournable de la presse artistique chinoise. La seconde, rédactrice en chef, est docteure en philosophie. Après avoir étudié à la Sorbonne, He Jing enseigne la pensée de Merleau-Ponty aux étudiants de l’université Tsinghua, à Pékin. Un bagage qui lui permet d’interroger d’autres intellectuels chinois, eux aussi passés par l’université française, sur l’influence que continuent – ou non – d’avoir en Chine Foucault, Sartre, Lacan, Deleuze ou Derrida, mais aussi de mener des entretiens avec des disciples de Bruno Latour sur la recherche d’une « esthétique de l’anthropocène », et de les confronter à une pensée chinoise qui s’interroge de longue date sur les liens entre l’homme et la nature.

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Outre ces échanges de haute volée, la revue sait être davantage accessible en interrogeant de jeunes Chinois vivant en France sur leur double identité, ou en abordant des thèmes plus grand public, comme l’influence de la Nouvelle Vague française sur les cinéastes chinois, ou les « expéditions filmiques » entre la France et la Chine. On y lit même un hommage – mérité, mais audacieux – à Simon Leys, le premier Occidental à avoir dénoncé la Révolution culturelle et qui n’est pas franchement en odeur de sainteté à Pékin. Bref, une lecture revigorante pour tous ceux qui s’intéressent à la relation franco-chinoise.

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