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FRANCE CULTURE – A LA DEMANDE – SÉRIE PODCAST

Cabaret : le mot fait rêver. A peine est-il besoin de fermer les yeux pour voir les paillettes et les costumes. Pour avoir envie de chanter et de danser − longtemps et sur les tables. Pour autant, serait-on capable de définir le terme ? De circonscrire ce qu’il recouvrait alors et ce qu’il est aujourd’hui devenu ? De dire quelle fut son histoire et quels rôles il a pu avoir ?

C’est tout cela que Céline du Chéné et son complice Laurent Paulré à la réalisation ont eu envie d’explorer en une série de quatre heures passionnante, d’autant qu’elle donne à comprendre comment ce lieu de fête fut l’incubateur de nombreuses révolutions, remettant en cause l’ordre établi, qu’il soit artistique, sociétal ou sexuel.

Au commencement était Montmartre (épisode 1). Ni cirque, ni théâtre, ni guinguette, le cabaret est tout cela à la fois et plus encore. Il voit le jour en 1881 avec la création, sur la Butte, du Chat noir par Rodolphe Salis. En cette fin de siècle, toutes les classes sociales viennent au cabaret. On y mange et on y boit (pour pas cher), on y danse, on interpelle les artistes, on rit, beaucoup, et de tout. Huit ans plus tard, le Moulin-Rouge reçoit une clientèle cosmopolite, émoustillée et émerveillée en voyant les danseuses tourner le bas de leurs jambes (la fameuse « mayonnaise »).

Déjouer la censure

De nombreux cabarets vont mettre en scène le corps féminin, jouant avec la censure et les interdits (épisode 2). Notamment depuis que, en 1894, se tient, au théâtre-concert Lisbonne (rue des Martyrs, dans le 9e arrondissement de Paris), un nouveau spectacle intitulé Le Coucher d’Yvette, dans lequel l’artiste Blanche Cavelli se défait de ses vêtements un à un. Le cabaret joue alors d’ambiguïtés pour déjouer la censure et éviter les procès. Ainsi, et à titre d’exemple, les femmes étaient épilées, car le poil était signe, chez elles, d’obscénité et de pornographie.

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Pour autant, l’arrivée du jazz, de Joséphine Baker, en 1925, va permettre de faire bouger les lignes. Même s’il faudra attendre 1968 − soit dix-sept ans après son ouverture − pour que le nu intégral s’invite au Crazy Horse, avenue George-V, à deux pas des Champs-Elysées. Mais le strip-tease, c’est peut-être Nadège Python qui en parle aujourd’hui le mieux. « Pour moi, le cabaret est un lieu de liberté, de magie, c’est là où je peux m’exprimer et expérimenter des nouvelles choses tout le temps. Quant au strip-tease, il a été un outil de réappropriation de mon propre corps. Et, à 50 ans, je continue, je travaille sur le corps vieillissant, une autre manière de me présenter », dit cette performeuse, ancienne membre des Kisses Cause Trouble, troupe de strip-tease burlesque.

A l’épisode 3, Céline du Chéné nous embarque dans le Berlin des Années folles, avant que le nazisme ne balaie tout puisque, et comme le rappelle l’historien Nicolas Patin, « le monde de la nuit meurt en 1933 ».

«Créatures »

Intitulé « Au-delà des genres », le quatrième et dernier épisode rappelle combien le cabaret aura contribué à la visibilité des homosexuels – hommes et femmes avec, aussi et par exemple chez Madame Arthur, à Paris, Coccinelle et Bambi, les deux premières femmes trans à performer. Ouverts au milieu des années 2010, les nouveaux cabarets intègrent d’ailleurs les questions de genre dans leurs numéros pour mieux s’en affranchir, grâce aux « créatures ».

« Issus de la mouvance queer ou de la scène drag, utilisant les accessoires traditionnels des revues de cabaret qu’elles détournent, puisant dans les figures de la foire et du cirque, les “créatures” sont au-delà des genres, mêlant masculin et féminin, jouant des codes pour devenir autre, rappelle la documentariste Céline du Chéné. La “créature” permet de se transcender, et de montrer des corps dans toute leur variété, loin des normes et des stéréotypes. » Céline du Chéné nous invite à La Sirène à barbe, cabaret ouvert à Dieppe en 2021 par Nicolas Bellenchombre alias Diva Beluga qu’il décrit ainsi : « une jolie rondelette baleine blanche, drôle, pince-sans-rire, grivoise, sensible ».

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Disons alors combien cette série fait du bien. Ne manquerait à nos oreilles − oser l’écrire − que Suzy Solidor (1900-1983) déclamant, en 1933, « Ouvre » au cabaret La Vie parisienne. Parce qu’elle chantait si bien ce poème érotique lesbien de 1882 et qu’il aura fallu attendre 1992 pour que le morceau soit disponible dans une version non censurée.

« Cabaret ! », une série documentaire de Céline du Chéné réalisée par Laurent Paulré. A retrouver sur France Culture et sur toutes les plateformes d’écoute habituelles.

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