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Après des années de rendements insuffisants dans leurs vergers, des producteurs de cassis et des liquoristes de Bourgogne-Franche-Comté contactent, en 2017, des scientifiques du CNRS : inquiets pour l’avenir de leur filière, ils cherchent des solutions. Spécialisée dans la pollinisation et les interactions entre espèces, l’écologue Marie-Charlotte Anstett commence par établir un état des lieux de la présence de pollinisateurs dans leurs parcelles. Par chance, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) avait relevé des données d’abondance dans ce secteur dans les années 1980, et de nouvelles mesures peuvent être prises dans les mêmes champs. Le résultat est stupéfiant : en moins de 40 ans, 99 % des pollinisateurs ont disparu.

« Je n’ai pas fait les manipulations moi-même dans les années 1980. Donc, il y a de petites erreurs dans les chiffres, explique Mme Anstett. Mais l’ordre de grandeur est ahurissant. Et, il y a quarante ans, les mesures avaient été faites parce que les agriculteurs se plaignaient déjà d’une baisse des rendements ! » Dans la foulée, la chargée de recherche du CNRS installe, chez plusieurs agriculteurs, de grands filets sur une douzaine de pieds de cassis, sous lesquels elle place des nids de bourdons. Le résultat est là encore spectaculaire : les rendements de ces pieds sont plus de trois fois plus importants que ceux des plants témoins.

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L’exemple du cassis noir de Bourgogne, une variété particulièrement sensible à l’absence de pollinisateurs, est frappant. S’il ne concerne que quelques dizaines d’agriculteurs, il illustre une tendance bien plus large, quoique difficile à quantifier : alors qu’à l’échelle mondiale les rendements agricoles de certaines cultures stagnent depuis la fin des années 1990, la perte de biodiversité pourrait apparaître comme l’un des principaux facteurs d’explication, à côté d’autres causes, telles que le dérèglement climatique. L’agriculture intensive mise en place après la seconde guerre mondiale a entraîné la destruction d’espèces et d’écosystèmes, qui nuit, à son tour, à la production.

« Aux limites du système »

« Les rendements en France décrochent, alors que la recherche en amélioration génétique variétale continue de produire des variétés de plus en plus performantes, précise Vincent Bretagnolle, directeur de recherche au CNRS. L’effondrement de la biodiversité entraîne une altération de la qualité des sols et une baisse de la production agricole. »

« Nous arrivons aux limites du système de l’agriculture chimique, qui altère tous les pans de la biodiversité, affirme également Aude Vialatte, directrice de recherche en agroécologie du paysage à l’Inrae. L’effet boomerang est tel que les problèmes de rendement sont de plus en plus importants. » Dans une étude publiée en mars dans la revue britannique Nature Ecology and Evolution, une équipe internationale de chercheurs parle de « pièges d’intensification » pour décrire ces déclins de production « déclenchés par la rétroaction négative de la perte de biodiversité à des niveaux d’intrants élevés ».

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