Meilleures Actions
Histoires Web mercredi, octobre 16
Bulletin

Ce n’est pas parce que les artistes chinois ne peuvent pas tout dire qu’ils ne peuvent rien dire. L’exposition que leur consacre le Centre Pompidou, à Paris, en témoigne. Vingt et un ans après la mythique « Alors, la Chine ? », qui, pour la première fois, offrait au public français un panorama sur l’art contemporain chinois, le musée nous propose d’actualiser nos connaissances en donnant à voir une cinquantaine d’œuvres on ne peut plus actuelles, puisque la plus ancienne date de 2016 et la plus récente du mois d’août.

En soi, c’est une bonne nouvelle. Même sous Xi Jinping, la création continue. Comment en serait-il autrement ? Dans les seules villes de Hangzhou et de Shanghaï, pas moins de 10 000 étudiants sont inscrits à l’Académie des arts, rappellent, dans le catalogue, les deux commissaires français de l’exposition, Philippe Bettinelli, conservateur au Musée national d’art moderne, et Paul Frèches, directeur délégué du Centre Pompidou x West Bund Museum Project, à Shanghaï.

Il suffit d’ailleurs de pousser les portes d’un musée d’art contemporain chinois pour être surpris par la jeunesse du public et ressentir l’énergie qui l’anime. Néanmoins, n’importe quel visiteur ayant ouvert un journal ou allumé la télévision au cours de ces vingt dernières années sait pertinemment que la Chine de Xi Jinping n’a plus grand-chose à voir avec celle du début du siècle. D’ailleurs, les grandes expositions sur l’empire du Milieu semblent passées de mode. A côté de sa sœur aînée (50 artistes furent invités en 2003, et le catalogue ne comportait pas moins de 448 pages), la cadette est plus frêle : 21 artistes, nés entre la fin des années 1970 et les années 1980, et un catalogue de 120 pages.

Sérieux avertissement

Plus sage aussi. On chercherait en vain la moindre œuvre portant non seulement sur le « Grand Leader » mais également sur le confinement durant l’épidémie de Covid-19, les conflits qui secouent la planète ou le réchauffement climatique, thèmes abordés par de nombreux artistes du monde entier. L’arrestation, le 26 août, de Gao Zhen, réfugié à New York, qui se moquait volontiers de Mao dans les années 2000 et a eu l’imprudence de rentrer provisoirement en Chine, constitue un sérieux avertissement aux artistes. La loi sur l’« atteinte à la réputation et à l’honneur des héros et des martyrs » est d’autant plus attentatoire à la liberté d’expression qu’elle est rétroactive.

Lire le récit (2022) : Article réservé à nos abonnés Du zéro Covid à la brusque levée des restrictions, trois ans de gestion sanitaire abrupte par la Chine

Néanmoins, l’exposition montre que les artistes savent contourner la censure, au moins partiellement. Difficile, en regardant le tableau de Qiu Xiaofei A Pillow for Eating Dreams et en observant un homme couché sur un lit qui semble flotter sur un paysage onirique, de ne pas penser à ces jeunes Chinois tellement désabusés qu’ils ont décidé de ne rien faire. Une génération que les sociologues qualifient de « tang ping », littéralement « rester allongé ».

Il vous reste 53.73% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Share.
© 2024 Mahalsa France. Tous droits réservés.