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Histoires Web samedi, octobre 12
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Ce n’est pas tous les jours qu’un film sur un livreur sans papiers, dont l’acteur principal n’est pas connu, sort sur plus d’une centaine de copies. Mais L’Histoire de Souleymane, troisième long-métrage de Boris Lojkine, distribué par Pyramide, est un peu à part : cette fiction s’apparente à un thriller, en immersion dans l’univers des coursiers à vélo, dont on ignore à peu près tout.

Lire la critique : Article réservé à nos abonnés « L’Histoire de Souleymane » : deux jours de pur suspense au côté d’un migrant

Le réalisateur, agrégé de philosophie, né en 1969, embarque le spectateur au plus près de Souleymane (Abou Sangare), livreur guinéen, au profil complexe. Tout en enchaînant les courses, le jeune homme prépare fébrilement son entretien pour sa demande d’asile : Souleymane essaie de retenir le récit qu’on lui a fabriqué, pour entrer dans les cases de l’administration, mais qui n’est pas le sien. Il redoute le faux pas, en a des sueurs froides… Le film a reçu le Prix du jury à Un certain regard, à Cannes, et a valu celui du meilleur acteur à Abou Sangare, mécanicien de profession, bluffant de précision et d’émotion.

Dans le café d’une gare parisienne, entre deux avant-premières, Boris Lojkine explique ce choix, délicat, d’un personnage de migrant qui ment pour obtenir ses papiers. « Je ne voulais pas d’un film politiquement correct, avec le bon demandeur d’asile. Comme si on n’avait pas le droit d’avoir des personnages avec un peu d’épaisseur, dès lors qu’il s’agit de migrants. Je ne cherche pas à être un porte-parole, je veux surtout raconter les histoires passionnantes de ces gens », explique le réalisateur.

« Un grand traumatisé »

A Cannes, le parcours d’Abou Sangare a ému les festivaliers. Né en 2001, dans le sud-est de la Guinée, il vit à Amiens depuis six ans. Il a quitté son pays pour aider sa mère, malade, laquelle est décédée après son arrivée en France. Il s’est inscrit dans un bac pro mécanicien poids lourds, a essuyé plusieurs refus de titre de séjour. « Abou est un grand traumatisé », souligne le cinéaste. « Après Cannes, cet été, la préfecture a proposé à Abou de déposer une nouvelle demande. Cette fois-ci, on a bon espoir, sauf contre-ordre de notre nouveau ministre de l’intérieur, ce qui n’est pas exclu », dit le réalisateur, dans une allusion à la déclaration de Bruno Retailleau – « L’immigration n’est pas une chance. » Il ajoute, devant son café allongé : « De toute façon, on ne va pas lâcher. »

Lire le portrait | Article réservé à nos abonnés « L’Histoire de Souleymane » : l’odyssée d’Abou Sangare, interprète éblouissant récompensé à Cannes

Boris Lojkine, jean, polaire et sac à dos, est devenu cinéaste après avoir quitté l’éducation nationale. Il ne se voyait pas passer sa vie en bibliothèque comme ses parents, tous deux universitaires, une mère professeure de littérature anglaise, un père sociologue au CNRS. « Je suis entré à l’Ecole normale supérieure à 19 ans, je pouvais déjà compter mes points de retraite jusqu’à 65 ans… Tout à coup, ça m’a un peu effrayé. »

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