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Histoires Web vendredi, octobre 11
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Jean-Michel Blanquer et Vincent Tiberj.

Année après année, scrutin après scrutin, les victoires électorales du Front national (FN), puis du Rassemblement national (RN), ont installé l’idée que, depuis les années 1980, la société française s’était profondément droitisée.

Le politiste Vincent Tiberj, professeur des universités, chercheur au Centre Emile-Durkheim (Bordeaux) et coordinateur du livre collectif Citoyens et partis après 2022. Eloignement, fragmentation (PUF, 424 pages, 22 euros), réfute ce constat dans La Droitisation française. Mythe et réalités (PUF, 340 pages, 15 euros). Les électeurs votent de plus en plus souvent à droite, voire à l’extrême droite, constate-t-il, mais les citoyens, eux, sont de plus en plus ouverts en ce qui concerne l’immigration. Si la France veut réduire ce fossé entre les valeurs de la société et la couleur politique de ses élus, conclut-il, elle doit inventer des pratiques démocratiques plus horizontales et plus participatives.

Jean-Michel Blanquer, ancien ministre de l’éducation nationale (2017-2022) d’Emmanuel Macron et directeur du Laboratoire de la République, un think tank qui combat l’« idéologie woke », ne conteste pas le constat de Vincent Tiberj. Aujourd’hui retiré de la vie politique, ce professeur agrégé de droit public à l’université Paris-Panthéon-Assas, qui vient de publier un livre sur ses années au gouvernement (La Citadelle, Albin Michel, 416 pages, 21,90 euros), admet que la France est de plus en plus tolérante à la diversité mais, contrairement à Vincent Tiberj, ne croit pas aux vertus des nouvelles formes démocratiques.

Vous démontrez, Vincent Tiberj, que la société française est de plus en plus ouverte sur les questions dites « de libéralisme culturel » – concernant la peine de mort, l’égalité hommes-femmes, le mariage pour tous, etc. – mais aussi de diversité. Quels sont les travaux démontrant cette analyse contre-intuitive ?

Vincent Tiberj : Les enquêtes sérieuses menées dans le temps long montrent sans ambiguïté, même si ce résultat peut surprendre, que la société française est de plus en plus tolérante envers l’immigration. Si l’on étudie, depuis 1984, l’indice longitudinal élargi de tolérance, un baromètre qui agrège 100 séries de questions et 1 366 points de données, on constate que la droitisation de la France « par le haut », celle du champ politique, ne s’est pas accompagnée d’une droitisation « par le bas », celle de la société. Au contraire !

Qu’il s’agisse de la contribution de l’immigration à l’économie, de l’enrichissement culturel lié au métissage ou de l’acceptation des enfants d’immigrés comme des « Français comme les autres », la société française est de plus en plus ouverte aux minorités ethniques et raciales. Le soutien au droit de vote des étrangers est ainsi passé de 34 %, en 1984, à 50 %, en 2022, et l’affirmation selon laquelle l’immigration est une « source d’enrichissement culturel » de 44 %, en 1992, à 73,5 %, en 2022. Quant à l’idée qu’il y a « trop d’immigrés en France », elle a reculé de 69 %, en 1988, à 55,3 %, en 2022.

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