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Histoires Web mercredi, octobre 9
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Auteur d’ouvrages intimement liés à l’aventure de la Nouvelle Vague – depuis les monumentales biographies consacrées à François Truffaut, Jean-Luc Godard ou Eric Rohmer jusqu’à une monographie des Cahiers du cinéma – l’historien Antoine de Baecque poursuit son archéologie de la modernité cinématographique française en consacrant son nouvel ouvrage à Marin Karmitz. Non immédiatement assimilable à la Nouvelle Vague, dont il fut contemporain, cette figure du cinéma français en procède pourtant, dans la mesure où il prolonge à sa manière le décloisonnement mis en œuvre par celle-ci. A la fois producteur, distributeur et exploitant, Marin Karmitz fut en effet, à la tête du circuit MK2 créé en 1974, un capitaine d’industrie soucieux de création et porteur d’une politique culturelle ambitieuse.

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Grand producteur – Jean-Luc Godard, Yilmaz Güney, Claude Chabrol, Abbas Kiarostami, Gus Van Sant lui doivent notamment d’avoir été à leurs côtés à des moments-clés de leur carrière –, Karmitz, en cela artisan d’une réussite exceptionnelle, fut aussi cet homme qui sut consolider et donner sens à cet engagement artistique en s’assurant de maîtriser les autres volets, non moins indispensables, de la vie des films que sont leur distribution et leur exploitation. Dans ces domaines respectifs, entre les grands groupes de l’industrie cinématographique française et les salles d’art et d’essai du Quartier latin, il sut inventer, par ses paris d’implantation et d’animation des salles, un autre modèle, celui d’un circuit, autrement dit d’une puissance, mis au service de l’indépendance cinématographique.

Cela, qui intéressera au premier chef le cinéphile, s’articule intimement à la peinture d’une expérience existentielle hors du commun, susceptible de toucher un lectorat beaucoup plus vaste. En effet, la biographie confine ici au roman d’une vie frappée du sceau de l’éternel recommencement. Tel le phénix, Marin Karmitz semble avoir bâti son existence sur ses propres cendres, transformant le deuil d’une forme antérieure de lui-même en l’énergie fondatrice d’une renaissance.

Miraculé du génocide

Cela commence, dans des pages d’une force tragique certaine, par l’évocation d’une enfance sacrifiée. Issu de la haute bourgeoisie industrielle roumaine (son père et ses trois frères détiennent la plus grande entreprise d’importation pharmaceutique des Balkans), l’enfant choyé naît en 1938 à Bucarest, dans un pays gangrené par le fascisme et l’antisémitisme. En 1941, la Garde de fer organise un pogrom à Bucarest avec entre autres objectifs de dissoudre les frères Karmitz dans le vitriol. Les hommes enfuis, on met très longtemps un revolver sur la tempe de l’enfant pour faire parler la mère.

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