Meilleures Actions
Histoires Web mardi, octobre 8
Bulletin

Vingt ans après y avoir été monté pour la dernière fois, le mythique Wozzeck, d’Alban Berg (1885-1935), est présenté par l’Opéra de Lyon, en ouverture de saison, dans une nouvelle production qui tiendra l’affiche jusqu’au lundi 14 octobre. Inspirée de la pièce inachevée Woyzeck, de Georg Büchner (1813-1837), l’histoire de cet opéra en trois actes d’une durée d’à peine plus de quatre-vingt-dix minutes pourrait se résumer à celle d’un banal drame de la jalousie sur fond d’oppression sociale. Informé par son Capitaine, flanqué d’un Docteur pervers, que sa femme, Marie, le trompe avec le Tambour-Major de la caserne locale, le soldat Franz Wozzeck finit par la tuer avant de se suicider.

Poussé à bout par ceux qui exercent un ascendant professionnel ou affectif sur lui, le bonhomme, sujet à des hallucinations (avec, pour dominante, la couleur rouge), commet l’irréparable sans vraiment comprendre ce qui lui arrive. Un tel mystère a ouvert la voie à de multiples propositions scéniques, liées ou non à l’esthétique de l’époque originelle (l’expressionnisme) ou du lieu de la création en 1925 (Berlin). Celle, méticuleusement développée par Richard Brunel (qui dirige l’Opéra de Lyon depuis 2019), repose sur une interprétation très personnelle des données théâtrales (didascalies, dialogues) qui n’apparaît jamais en porte à faux avec le texte alors qu’elle en réduit souvent le contexte à sa plus simple expression.

Pas de lune « rouge sang », autrement que dans la vision surnaturelle du principal protagoniste, pas d’étang où se noyer pour le meurtrier à la recherche de l’arme du crime, mais un modeste évier où nettoyer le couteau ensanglanté… En fait, le plateau, cliniquement éclairé par Laurent Castaingt, matérialise surtout un monde intérieur, avec une cohérence qui s’affirme dans le long terme tout comme celle opérée dans la partition à partir de réminiscences et de prémonitions.

On sait qu’Alban Berg a fondé l’articulation dramatique de son opéra sur l’utilisation de formes musicales (passacaille, scherzo, etc.). A l’instar du troisième acte qui revisite dans chaque scène la forme de l’invention (« Invention sur un thème », « Invention sur une note », « Invention sur un rythme »…), la mise en scène de Richard Brunel pourrait être qualifiée d’« Invention sur un livret ». Au début, la démarche laisse un peu perplexe. Le fameux « Langsam, Wozzeck, langsam » (« Lentement, Wozzeck, lentement »), qui amorce l’opéra, n’est pas une incitation à la prudence formulée par le Capitaine à l’intention du soldat en train de le raser, mais une tentative pour freiner l’ardeur (« Tout doux ! ») de celui qui n’a pas été retenu parmi quatre candidats pour une expérience médicale dont l’opéra va devenir le cadre.

Il vous reste 47.36% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Share.
© 2024 Mahalsa France. Tous droits réservés.