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Environ un millier de loups vivent sur le territoire national. Ils y cohabitent avec 68 millions d’êtres humains, 16 millions de bovins, 7 millions d’ovins, 1 million d’équidés de toutes sortes. Mille loups, donc, arpentent discrètement les forêts et les montagnes d’un pays de 55 millions d’hectares. Cela fait très peu de loups au kilomètre carré, mais c’est déjà trop. La France fait partie de la vingtaine d’Etats membres de l’Union européenne (UE) qui ont favorablement accueilli, le 25 septembre, la proposition de la Commission de réduire le niveau de protection du grand carnivore.

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Début décembre, le comité directeur de la Convention de Berne (où l’UE détient la majorité) devrait faire passer Canis lupus du statut de protection stricte à celui de protection simple. La directive « Habitats », qui transpose les dispositions de la Convention de Berne, devra ensuite être amendée. Cela promet d’être intéressant : l’article 19 de la directive en question dispose que toute modification de son annexe IV (la liste d’espèces strictement protégées) ne peut intervenir qu’en cas de nouvelles données « scientifiques et techniques », et à l’unanimité des Etats membres. Le hic étant qu’il n’y a aujourd’hui ni unanimité des Etats membres ni nouvelles données.

Une fois ces obstacles contournés, on pourra « tirer » les loups avec bien moins d’embarras. Or, sous « protection stricte », on en tue déjà environ 200 par an en France, soit 20 % de l’ensemble de la population. Nul besoin d’être grand clerc pour imaginer ce qui se produira lorsque les digues auront été abaissées.

La France s’est engouffrée dans la brèche

La décision européenne n’est pas seulement inquiétante pour la pérennité des populations lupines, elle marque un précédent qui cristallise la fragilité de la volonté politique de sauvegarder ce qui reste de la nature sur le Vieux Continent. Le déclassement de Canis lupus consacre d’abord la possibilité qu’au plus haut niveau des institutions communautaires une croisade personnelle – celle de la présidente Ursula von der Leyen – puisse primer sur toute autre considération. Comme l’ont noté de nombreux commentateurs, c’est en effet depuis la mort de sa ponette Dolly, tuée par un loup à l’âge canonique de 30 ans, que l’exécutif européen s’est décidé à avoir la peau du canidé.

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Comme d’autres Etats membres aux mains de gouvernements conservateurs, la France s’est engouffrée dans la brèche pour plaider à son tour le déclassement. « Il ne s’agit pas d’un déclassement mais d’un reclassement en accord avec l’état de la science », expliquait en janvier l’entourage de Marc Fesneau, alors ministre de l’agriculture, avec cette manière inimitable de piétiner la science en se réclamant d’elle. En réalité, l’expertise collective sur le sujet, rendue en mars 2017 par le Muséum national d’histoire naturelle et l’Office français de la biodiversité, estime que, afin d’atteindre le seuil de viabilité à long terme sur un territoire comme la France, « l’ordre de grandeur qui correspond à un effectif minimal à atteindre est de l’ordre de 2 500 à 5 000 individus matures sexuellement ». Soit deux à cinq fois plus que nos 1 000 loups désormais en sursis.

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