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Histoires Web dimanche, octobre 6
Bulletin

A première vue, elle n’a pas la tête de l’emploi. Françoise Sistel, 66 ans, est une retraitée fluette aux cheveux gris venue chercher le calme à Provins, en Seine-et-Marne. Si la catastrophe climatique et l’effondrement de la biodiversité suscitent chez elle frayeur et culpabilité, elle n’a jamais participé à une mobilisation, ni rejoint d’organisation. Aujourd’hui, pourtant, cette ancienne policière n’exclut pas de s’enchaîner à l’un des arbres de sa ville. « Vous imaginez l’impact que ça aurait en termes d’image ? Je suis une vieille femme frêle… Ils m’ont réveillée, maintenant je ne vais plus me rendormir », dit-elle de sa voix calme.

Le détonateur est apparu dans sa boîte aux lettres. En juin, elle découvre dans le bulletin municipal le projet de « requalification » de la ceinture verte, une longue promenade bordée de tilleuls, frênes, ormes et charmes, alignés comme un seul homme. Le plan prévoit la création d’une piste cyclable bidirectionnelle, le réaménagement de berges et celui d’un ancien jardin horticole. Dans un encadré, une précision : 67 « sujets dégradés » seront abattus, et 161 replantés. « Les arbres abattus, c’est la première chose qui m’a choquée, se souvient Françoise Sistel. Je me suis dit, c’est moi qui déraille ou c’est normal que je m’insurge contre ça ? Si des arbres sont dégradés, il faut qu’on nous le prouve. »

Aidée par une amie et l’une de ses filles, elle distribue des tracts et lance une pétition. Elle prend rendez-vous à la mairie, interpelle députés et sénateurs de sa circonscription et rejoint le Groupe national de sauvegarde des arbres, qui lui apporte soutien et conseils. Elle envisage même de puiser dans ses économies pour payer un avocat et déposer un recours en justice.

Des « écureuils » contre l’A69

Provins, mais aussi Le Mans, Houilles (Yvelines), Vincennes (Val-de-Marne), Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine), Melun, Rennes, Lannion (Côtes-d’Armor)… Partout, des habitants s’opposent à l’abattage de platanes ou de chênes près de chez eux. Qu’ils soient quelques-uns ou des dizaines. Entre Toulouse et Castres, dans le Tarn, des « écureuils » perchés dans les grands arbres situés sur le tracé de la controversée autoroute A69 ont tenté d’empêcher leur destruction, en vain. Les derniers ont été « décrochés » le 18 septembre par la gendarmerie. De la même façon, dans les forêts, les contestations se multiplient contre les coupes.

Des « écureuils », militants opposés à la construction de l’autoroute A69, sur le site du Verger, à Verfeil (Haute-Garonne), le 27 septembre 2024.

Ces mobilisations locales sont l’un des mille signes qui témoignent d’une tendance de fond : une préoccupation de plus en plus forte, de la part de la société, pour les arbres et les forêts. Une passion, parfois débordante, qui semble embarquer très largement et s’exprime de multiples façons. Dans les villes et villages, des collectifs citoyens se créent pour racheter ou gérer en commun des forêts. Les activités de sylvothérapie, de grimpe ou d’Accrobranche se développent. Les cabanes dans les bois attirent toujours davantage de vacanciers. Dans les librairies, ouvrages jeunesse, romans ou essais consacrés aux arbres débordent des rayons.

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