Meilleures Actions
Histoires Web samedi, octobre 5
Bulletin

« L’Effondrement », d’Edouard Louis, Seuil, 240 p., 20 €, numérique 15 €.

D’abord, il y eut la déflagration En finir avec Eddy Bellegueule (Seuil, 2014), spectaculaire entrée en littérature d’un jeune homme de 21 ans. Edouard Louis y relatait sa jeunesse dans une famille du lumpenprolétariat picard, la violence dont il y avait été victime, les brimades que son homosexualité lui avait values, et sa fuite le plus loin possible, par les livres et les études, pour sauver sa peau. Triomphe en librairie, traductions dans le monde entier. Les dix années et les six livres qui ont suivi n’ont cessé de confirmer la place importante de l’écrivain dans le paysage éditorial français et international, de rendre manifeste sa volonté d’articuler radicalités politique et littéraire.

Mais, d’un texte à l’autre, on a aussi vu Edouard Louis, tandis qu’il travaillait à mettre au jour les logiques de domination, s’attacher à nuancer le portrait des membres de sa famille : de sa sœur dans Histoire de la violence (Seuil, 2016), mais surtout de son géniteur dans Qui a tué mon père (Seuil, 2018) et de sa mère dans Combats et métamorphoses d’une femme puis Monique s’évade (Seuil, 2021 et 2024).

Comme si l’auteur, à mesure qu’il grandissait dans et par l’écriture, prenait conscience des violences que les siens avaient vécues et reconduites à l’intérieur du foyer et estimait n’avoir d’autre choix que de leur pardonner ; comme s’il fixait aussi à ses livres la tâche de réduire la distance entre ses parents et lui, cette distance dont son premier roman semblait avoir entériné l’immensité, sinon le caractère infranchissable.

La question de la distance a toujours été essentielle dans la relation entre Edouard Louis et son frère. Elle la définit, même : « Nos vies, écrit-il dans L’Effondrement, ce n’était ni ma vie ni la sienne mais l’écart entre nous deux. » Et aussi : « Rien ne peut dire cette distance entre nous. Rien ne peut dire la distance mais cette distance dit tout. La distance est une mémoire. » Et c’est cette mémoire que convoque Edouard Louis tandis qu’il consacre ce roman à ce frère mort à 38 ans des suites de son alcoolisme, alors qu’ils ne s’étaient pas vus depuis presque une décennie.

Pas le beau rôle

« Je n’ai rien ressenti à l’annonce de la mort de mon frère ; ni tristesse, ni désespoir, ni joie, ni plaisir. » Ainsi commence ce livre qui va essayer de comprendre pourquoi cet homme, dont on ne connaîtra pas le prénom, a été retrouvé si jeune sur un carrelage, un matin de janvier, et pourquoi il avait fait en sorte de se rendre si détestable (« Apprendre à connaître mon frère c’était apprendre à le haïr »).

Il vous reste 47.93% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Share.
© 2024 Mahalsa France. Tous droits réservés.