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LETTRE DE MEXICO

Le moment aurait dû être cérémoniel, émouvant et historique : après trois ans de travail, la commission pour la vérité allait rendre publique une recherche inédite sur la période que l’on dénomme au Mexique la « sale guerre » (1960-1990), mais dont on ne connaissait que trop peu les rouages et les conséquences.

Enfin un président (avant sa passation de pouvoir, mardi 1er octobre, à sa successeure Claudia Sheinbaum), Andres Manuel Lopez Obrador, dit « AMLO », décidait par décret présidentiel de créer un organisme indépendant, le Mécanisme pour la vérité et l’éclaircissement historique, pour permettre à cinquante spécialistes et historiens de rechercher ce qui s’était vraiment passé pendant cette époque où les forces de l’ordre avaient suivi la doctrine de la guerre contre-insurrectionnelle. Deux rapports d’un total de 7 000 pages ont été publiés, l’un en juillet, l’autre en septembre, par le Mécanisme après trois ans de travail : l’un sur les violations commises contre les organisations politiques et l’autre consacré aux violences subies par l’ensemble de la société.

Mais au lieu de ce grand moment de vérité, les autorités mexicaines ont répondu par un silence pesant : « AMLO », qui devait présenter au pays le résultat de ce travail, n’a pas dit un mot à ce sujet quand il aime tant parler d’histoire lors de ses trois heures quotidiennes de conférences de presse. Surtout, les autorités ont pris les ciseaux de la censure. Le ministère de l’intérieur, dont dépendait le Mécanisme, a escamoté et même censuré le travail des historiens et n’a publié qu’un résumé, tendancieux, de 110 pages.

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Cette administration a jugé, sur la base de critères qui ne sont nullement précisés, que les historiens avaient « dépassé l’objectif fixé par la commission pour la vérité. Le rapport a enquêté sur des violations des droits humains qui n’étaient pas nécessairement liées à la violence d’Etat dans le cadre de la contre-insurrection ».

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Or, il s’agit justement de l’une des principales révélations du second rapport : les auteurs montrent que la répression a été utilisée contre toute forme de dissidence pendant ces années, et pas seulement contre celle liée à des revendications politiques. Ils soulignent également que les méthodes de la contre-insurrection avaient cours non seulement dans l’armée, mais aussi dans la police fédérale et locale. « Chaque gouverneur, chaque corps de police, chaque commandement militaire a fini par interpréter qui était un communiste, qui représentait une menace, comment il fallait réprimer les dissidences et discipliner la population », indique le rapport.

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