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Le nouveau ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a exacerbé, dimanche 29 septembre, les tensions entre une partie du gouvernement et certains parlementaires du camp présidentiel, en raison de ses propos sur l’immigration et l’Etat de droit. Dans une interview accordée au Journal du dimanche (JDD), le ministre de l’intérieur a estimé que « l’Etat de droit, ça n’est pas intangible, ni sacré ». « C’est un ensemble de règles, une hiérarchie des normes, un contrôle juridictionnel, une séparation des pouvoirs, mais la source de l’Etat de droit, c’est la démocratie, c’est le peuple souverain », a-t-il complété.

Dès son arrivée place Beauvau, M. Retailleau avait prévenu qu’il passerait par les décrets pour faire passer certaines mesures notamment de lutte contre l’immigration. Sur ce thème, le ministre de l’intérieur a exprimé son « regret » qu’on ne puisse pas faire de référendum sur l’immigration. Le nouveau ministre de l’intérieur estime qu’« il n’y aura de maîtrise de l’immigration que si on a un plan d’ensemble ».

« On ne peut pas faire en France (…) malheureusement pour des raisons constitutionnelles (…) de référendum sur l’immigration. Moi, je le regrette », a ajouté M. Retailleau sur LCI. Interrogé sur son souhait personnel d’un tel référendum, il a répondu : « Oui, mille fois oui », notant qu’« il faudrait d’abord réviser la Constitution » pour « permettre une extension du périmètre, du champ sur lesquels on peut consulter par référendum ».

Interviewé dans son bureau, place Beauvau, M. Retailleau a justifié ce souhait d’un référendum par le fait que « l’immigration est un des phénomènes qui a le plus bouleversé la société française depuis cinquante ans, depuis un demi-siècle, sans que jamais les Français aient eu à se prononcer ». Jugeant que « l’immigration n’est pas une chance », le ministre a déclaré : « Il n’y aura de maîtrise de l’immigration que si on a un plan d’ensemble. »

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Prêt à utiliser « tous les leviers »

Pointant « un maquis de règles juridiques », il s’est dit prêt à utiliser « tous les leviers », tout en se disant « respectueux » du premier ministre, Michel Barnier, qui doit faire sa déclaration de politique générale mardi et « annoncera un certain nombre de mesures ».

M. Retailleau a notamment cité la piste de l’extension de la durée maximale de la rétention pour les personnes soumises à une obligation de quitter le territoire français (OQTF). « On peut l’étendre de beaucoup, en doublant » à cent quatre-vingts jours, a-t-il jugé, mais « ce n’est pas suffisant ».

Il a également cité le sujet des expulsions, estimant qu’« on doit assumer un rapport de force » pour renvoyer les personnes dans leur pays d’origine, en citant « trois leviers » : l’octroi de visas, l’aide au développement et le commerce. Interrogé pour savoir s’il était favorable à la double peine, c’est-à-dire à l’expulsion systématique après que la peine a été purgée, il a répondu : « Bien sûr. »

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« L’Etat de droit est quelque chose de sacré »

Les propos de M. Retailleau ont suscité de nombreuses réactions. Prisca Thévenot (Renaissance), l’ancienne porte-parole du gouvernement, a estimé qu’on pouvait « parler immigration sans dénigrer les Français qui en sont issus ». « Notre langue permet de faire la différence entre immigration illégale et légale. La première est à combattre, la deuxième à contrôler. Ne pas faire la distinction fait le lit du RN », a-t-elle fustigé sur X.

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La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a rappelé lundi au ministre de l’intérieur que l’Etat de droit « protège [la] démocratie », se disant « inquiète » de ses propos. « Lorsque la situation est tendue, lorsqu’il y a des crises, il ne faut surtout pas remettre en cause l’Etat de droit », a déclaré Yaël Braun-Pivet sur France 2. « L’Etat de droit, c’est ce qui protège notre démocratie, c’est ce qui protège tous les citoyens de notre pays », a-t-elle ajouté, avertissant : « Soyons extrêmement respectueux de notre cadre, ce n’est vraiment pas le moment de tout chambouler. »

« L’heure n’est pas à tenir des propos clivants », a critiqué, de son côté, l’ancienne première ministre Elisabeth Borne sur RMC-BFM-TV. « L’Etat de droit est quelque chose de sacré », a-t-elle insisté, appelant à « éviter de crisper le pays ».

« Moi, je préfère la droite Moussa à la droite des Français de papier », a abondé sur TF1 le député du camp présidentiel Mathieu Lefevre, opposant Gérald Darmanin dont le deuxième prénom est Moussa, à son successeur, qui avait qualifié les Français issus de l’immigration de « Français de papier ». « Quand M. Retailleau parle d’aller hors de l’Etat de droit, quand il a eu cette déclaration avant son entrée au gouvernement sur les Français de papier, ça n’est pas la droite et le gouvernement qui me paraissent répondre de la façon la plus claire aux aspirations des derniers mois », a-t-il développé.

Sur X, le député MoDem Erwan Balanant a également fustigé la déclaration de Bruno Retailleau, rappelant : « La démocratie est constitutive de l’Etat de droit et non l’inverse ». « Le peuple souverain sans l’Etat de droit, c’est la dérive immédiate vers le populisme et le rêve des extrêmes », a-t-il insisté, appelant Michel Barnier à « recadrer » son ministre.

Au sein de l’opposition, le chef de file des députés PS, Boris Vallaud, s’est interrogé sur X : « Quelle serait la différence avec un ministre de l’intérieur RN ? » L’eurodéputée d’extrême droite Marion Maréchal a, en revanche, salué des propos « réjouissants ». « Double peine, accords avec l’Algérie, société multiculturelle : difficile d’être en désaccord avec les mots de Bruno Retailleau ce soir », a-t-elle jugé sur X.

L’ancien président Nicolas Sarkozy a, lui, apporté son soutien à M. Retailleau, qui a « raison de privilégier la fermeté sur l’humanité » en matière d’immigration ou de sécurité et a mis en garde Michel Barnier contre toute augmentation d’impôts.

« J’apprécie les débuts de M. Retailleau, qui affirme une politique. Et d’ailleurs, le fait d’être attaqué par les gens qui l’attaquent, c’est plutôt bon signe », a déclaré M. Sarkozy sur Europe1/CNews. « Dès que quelqu’un veut faire quelque chose, il est immédiatement accusé d’être quelque part entre Hitler et Laval [chef du gouvernement du régime de Vichy entre 1942 et 1944] », a-t-il déploré.

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Le Monde avec AFP

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