Les habitants de Shlomi ont troqué leur petite ville arborée, accolée à la frontière israélo-libanaise, contre un hôtel de luxe à Jérusalem, avec vue sur les remparts de la vieille ville. Le souffle du vent dans les arbres contre le bourdonnement de la climatisation. Les roquettes et les menaces de raids du Hezbollah, solidement implanté en face de leur cité, dans un maquis épais, contre la sécurité.
Moshe Mozes se souvient parfaitement de l’effroi qui l’a saisi le 7 octobre 2023. En voyant l’attaque du Hamas, le pire massacre de l’histoire d’Israël, avec la mort de 1 200 personnes, il a tout de suite imaginé que le Hezbollah pourrait faire de même dans le nord du pays, en envoyant ses combattants des Radwan, une unité d’élite aguerrie, tirant parti de la désorganisation des forces de sécurité israéliennes. L’homme a donc fait ses valises et s’est mis à l’abri à Nahariya, la ville la plus proche, mieux défendue. Puis, le 16 octobre, les autorités l’ont installé, avec quelque 230 résidents de Shlomi, et quelques dizaines provenant du village d’Avivim, dans un hôtel haut de gamme de Jérusalem. En tout, quelque 60 000 Israéliens ont ainsi été déplacés du nord du pays pour des raisons de sécurité.
Une vie en suspens a alors commencé, dans une ville où ce natif du nord ne s’était rendu que deux fois dans sa vie. Il est mobilisé par l’armée qui lui donne pour mission de protéger sa petite communauté, l’équipant d’un treillis et d’un fusil d’assaut. « Les gens de Jérusalem nous ont accueillis avec chaleur. L’hôtel a tout fait pour que l’on se sente chez nous, mais rien ne saurait remplacer notre maison », dit-il.
Décoration de pots de miel
« Chaque jour, on se lève, on essaie de s’occuper. Des associations proposent des activités. Mais c’est difficile de remplacer la routine du quotidien », explique Rita Ben Yair, la représentante des habitants de Shlomi dans l’hôtel. Elle a 46 ans, trois enfants dont deux dans l’armée, et un mari malade. Semaine après semaine, mois après mois, elle a vu partir ceux qui avaient les moyens de louer un appartement. Il ne reste que ceux qui n’ont pas d’autre solution – 70 personnes, en cette fin septembre.
Mais l’ennui revient, sauf peut-être pour ces femmes âgées ravies de participer à des activités organisées par des associations de la ville. Aujourd’hui, c’est décoration de pots de miel dans le lobby. Un autre jour, ce sera activité macramé. Les uns tiennent grâce aux allocations ; d’autres ont trouvé un petit travail, comme Orly Bokris, la sœur de Moshe Mozes, qui a créé un atelier de confections de pâtisseries dans sa chambre d’hôtel qu’elle a transformée en un studio accueillant.
Il vous reste 42% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.