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L’AVIS DU « MONDE » – À NE PAS MANQUER

Il fallait y penser : rapprocher deux syllabes, qui sont aussi deux prénoms, Viêt et Nam, et en faire un titre de film. Lequel évoque non seulement le pays meurtri par la guerre la plus longue du XXe siècle (1955-1975), mais aussi le destin de deux hommes amoureux, Viêt (Dao Duy Bao Dinh) et Nam (Pham Thanh Hai).

Ce collage claque comme un manifeste (la patrie sous bannière LGBT), revisitant le trauma de la guerre sous une forme troublante, et le film de Truong Minh Quy, dévoilé à Cannes (section Un certain regard), ne sera pas visible dans son pays, le Vietnam. Né en 1990, le réalisateur assume ses influences (Tarkovski, Bresson, Resnais), tout en ciselant son propre langage – Viêt and Nam est son troisième long-métrage, après The Tree House (2019) et The City of Mirrors. A Fictional Biography (2016).

Viêt et Nam travaillent à 1 000 mètres sous terre, comme mineurs. On les découvre alanguis, visages noircis par le labeur, torses luisants – du fait de la chaleur, du sexe ? Le sous-sol ressemble à une grotte au ciel étoilé. Venu du documentaire, avant d’étudier à l’école du Fresnoy, à Tourcoing (Nord), le cinéaste a voulu retranscrire ses impressions lorsqu’il est descendu dans les mines, lors des repérages. Les sons y étaient amortis, et les éclats de charbon distillaient d’étonnants filets de lumière. Truong Minh Quy recrée en studio une féerie pour ses amants lascifs, au langage cru. Avec leur frontale, Viêt et Nam ressemblent à deux Pierrot ayant décroché de la lune. Ils sont bien loin sous terre, où le charbon sert de couche à leurs ébats.

Spectre de la séparation

Viêt and Nam est une histoire d’amour, de traversée, d’exil, et de quête d’un soldat disparu. Nam, qui vit avec sa mère, n’a jamais connu son père, lequel est parti au combat sans savoir que sa femme était enceinte. Le fantasme de cet homme dont on ne sait plus rien depuis vingt-six ans (l’âge du fils) constitue l’une des trames du récit. L’autre piste narrative est le chagrin amoureux : Viêt se prépare au départ prochain de Nam. Celui-ci a décidé d’embarquer clandestinement dans l’un de ces conteneurs où s’entassent les migrants, dans l’espoir d’une vie meilleure. L’occasion d’une scène stupéfiante, lorsque Nam s’entraîne à traverser le fleuve dans un sac en plastique.

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Plastique, le film l’est aussi, avec ses plans travaillés dans une patine 16 millimètres. Il pourrait s’enliser dans ses belles images, mais Truong Minh Quy fait décoller le récit en brouillant les repères temporels et spatiaux, jusqu’à ce dispositif mêlant terre et mer – une cavité charbonneuse embarquée dans un conteneur flottant. Le film se situe dans un passé proche, un peu flou, même s’il y est fait allusion aux événements du 11 septembre 2001, avec l’effondrement des tours du World Trade Center, à Manhattan. La télévision continue de diffuser les avis de recherche des martyrs. Un vétéran qui a connu le père de Nam se souvient… De faux soldats, figurines à taille humaine, fixent le spectateur lors de l’hallucinante visite d’un mémorial de la guerre.

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