« Décarboner l’objet mobile, ce n’est pas décarboner la mobilité »

Mathieu Flonneau est historien spécialiste des mobilités, maître de conférences à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne et auteur de En tous sens. Circuler, partager, sécuriser. Une histoire des équipements de la route (Loubatières, 2022)

Les camions accélèrent sur la route de la décarbonation. Sont-ils en train de rattraper leur retard ?

Comme dans le transport aérien, il s’agit de trouver des solutions technologiques ayant la capacité de s’adapter rapidement à l’échelle du secteur. Des idées novatrices parfois séduisantes pourraient, à terme, s’avérer anecdotiques et, pour le moment, la question des poids lourds n’est pas résolue, d’autant que le terme englobe des véhicules très variés.

La batterie n’est-elle pas en train de gagner la partie ?

L’électrification est présentée comme la meilleure solution par les producteurs d’énergie, par les constructeurs de bornes de recharge, par les exploitants de réseaux autoroutiers… Reste à passer à l’échelle industrielle, en prenant en considération la question du foncier, pour pouvoir installer les bornes de recharge. Décarboner l’objet mobile, ce n’est pas décarboner la mobilité.

Les camions ont-ils déjà connu une telle révolution dans leur histoire ?

Les mobilités routières ont toujours été en croissance, seuls les conflits militaires ont pu interrompre leur expansion. Nous vivons un moment inédit, avec une demande vertueuse de décarbonation extrêmement forte de la part de la société civile et la question d’un éventuel report sur d’autres modes de transport. Jamais une équation aussi complexe ne s’est présentée par le passé.

Cette transition historique, longtemps abstraite, devient maintenant très concrète. La nouveauté, c’est que nous vivons la transition en possédant les outils et les données pour la comprendre. Nous sommes conscients des conséquences environnementales des décisions qui sont prises, ce qui n’empêche pas d’être en lutte avec les pays en croissance industrielle. La décarbonation est socialement difficile à accepter pour des pays autrefois dominés et aujourd’hui encore relégués en deuxième division en matière de développement.

Les acteurs des transports terrestres ont-ils pris la mesure des enjeux ?

La profession est très dynamique et les constructeurs de camions ou de cars lancent sur le marché une nouvelle génération de véhicules modernes. Cela va induire un véritable changement des usages qu’il convient de coordonner, comme pour les véhicules individuels.

Quelles conséquences peut-on en attendre sur nos territoires ?

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