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Histoires Web dimanche, septembre 22
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L’anecdote est racontée par l’écrivain Pierre Adrian et le journaliste Philibert Humm, en postface du livre de photos Rades ­ (collection Hoëbeke, Gallimard, 2023). Même un peu déformée, elle est faite pour être répétée. Un jour, au Bar des PTT de Lourdes, Monique, quarante ans de service, a vu arriver à son comptoir Guillaume Blot, jeune photographe qui, ce jour-là, n’a pas pris de photos. Ils ont parlé pendant une bonne heure et, la nuit tombant, ce client pas tout à fait comme les autres a demandé s’il pouvait dormir sur place. La patronne aurait juste répondu : « Tu claqueras bien la porte en partant. » C’est l’unique fois que Blot a déroulé son sac de couchage et s’est installé à même le sol, dans l’odeur si singulière des vieux troquets, entre les sièges désertés. Même quand il a entrepris cet été une série sur les restos routiers, il dormait dans son camion, sur les parkings.

C’est en 2015 que le Nantais se lance, à 26 ans, dans la photographie documentaire avec une première série baptisée « Buvettes ». Il travaille alors comme chroniqueur pour le guide du Fooding et trouve qu’il manque des critiques de snacks. Alors, il part faire son tour de France des friteries de stades, essentiellement de football. Photos, textes, kilomètres au compteur, ce premier projet l’occupe pendant quatre ans. En 2019, fréquentant assidûment les cafés, il réalise à quel point il aime les scènes de vie qui s’y déroulent et les histoires improbables des gens qu’il rencontre. Il entame alors une série de photographies intitulée « Rades ». « Mon idée était de documenter une France des bistrots en gardant bien en tête l’érosion du nombre de cafés dans le pays. Je n’ai pas de chiffres post-Covid, mais on est passé en soixante ans de deux cent mille licences IV à environ quarante mille. Ce sera hyperintéressant de voir l’évolution, même en termes de photographie, dans les années à venir. »

Un chat qui traîne, des chiens en laisse, un perroquet, des tickets à gratter, un p’tit blanc au comptoir, des blagues plus ou moins drôles, des pintes, une tasse vite vidée de son café, des regards perdus, des rires, des clopes, des gens du quartier, des gens de passage, des gens très vieux qui ne font pas leur âge, des jeunes qui font plus… Qu’est-ce qui fait un rade ? « Son authenticité, répond Guillaume Blot. Et elle n’est insufflée que par l’âme des patronnes, des patrons et des habitués. Ça prend du temps. N’est pas rade qui veut. Il ne suffit pas d’avoir une décoration vintage ou une carafe Ricard. »

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