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Histoires Web samedi, septembre 21
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Mohamed (son prénom a été changé), sur son terrain agricole près de Qattiné, en Syrie, à l’été 2024.

Le lac artificiel de Homs, situé à 1 kilomètre à vol d’oiseau de la grande ville du centre de la Syrie, dessine une grande étendue bleue au pied de la chaîne de montagnes de l’Anti-Liban. Des fermiers et des femmes aux voiles colorés s’affairent dans des champs plantés de maïs, de légumes et d’oliviers. Des adolescents et des enfants font paître leurs troupeaux de chèvres et de moutons. « Avant la guerre, on ne pouvait pas voir le lac d’ici. Notre parcelle était délimitée par des chênes. Ils ont été détruits dans les combats ou coupés pour faire du bois de chauffage », raconte Mohamed (comme les autres témoins cités, il n’a pas souhaité donner son nom et son prénom a été modifié), un agriculteur de 38 ans de Qattiné, un village syrien proche de la frontière libanaise, réputé pour sa variété de pommes de terre.

A l’attention de nos lecteurs

Les « carnets de Syrie » sont une série de reportages réalisés à l’été 2024. Pour des raisons de sécurité, certaines des personnes ­citées s’expriment sous pseudonymes. Pour ces mêmes raisons, le nom des auteurs de ces reportages n’est pas mentionné.

Les assauts menés par les rebelles syriens dans les environs de Qattiné en 2012 et 2013 ont été repoussés par les forces loyales au président Bachar Al-Assad. Son portrait est affiché sur le barrage militaire qui garde l’entrée du village. De vieux chars rouillés sont laissés à l’abandon dans une base de maintenance de l’armée.

L’agriculteur et ses deux frères, dont le cadet de 32 ans est toujours mobilisé au sein de l’armée, n’ont pas pu accéder à leur parcelle de 2,5 dounams (1 dounam correspond à 1 000 mètres carrés) avant 2018. Ils ont pu faire quelques récoltes de pommes de terre jusqu’à ce que la rentabilité de leur affaire soit menacée par la crise économique, la pire que la Syrie ait connue depuis le début de la guerre civile, en 2011.

« On est aussi pêcheurs »

« Tous les matériaux sont devenus chers alors que le prix de vente des pommes de terre est très bas. On fait 1,5 tonne de pommes de terre par dounam si les conditions climatiques sont bonnes. La saison dernière, la tonne se vendait entre 6 millions et 7 millions de livres syriennes [entre 360 euros et 430 euros], alors que le coût de revient est à 6 millions de livres syriennes la tonne », explique l’agriculteur.

Il n’a pas trouvé de solution pour les semences et les engrais, très chers. Il a réussi, en revanche, à économiser un tiers de la somme en installant, en 2023, sept panneaux solaires achetés grâce à un prêt de 24 millions de livres syriennes que lui a accordé l’association syrienne Hope Center. Il a opté pour le goutte-à-goutte, à défaut de pouvoir acheter des arroseurs électriques.

Le système d’irrigation sur le terrain de Mohamed (son prénom a été changé), près de Qattiné, en Syrie, à l’été 2024. Le système d’irrigation sur le terrain de Mohamed (son prénom a été changé), près de Qattiné, en Syrie, à l’été 2024.

Sous l’effet combiné de la guerre et du changement climatique, la Syrie a déjà perdu plus de 50 % de sa production agricole en dix ans, estime le Comité international de la Croix-Rouge sur la base d’une étude publiée en 2023. Jadis, le pays exportait olives, coton, blé, citrons et autres fruits et légumes. Du fait de la crise économique, les agriculteurs, qui représentent environ un quart de la population syrienne, ne vivent plus de leurs cultures. Pourtant, la moitié des habitants – soit près de douze millions de personnes – est en insécurité alimentaire.

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