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Histoires Web samedi, septembre 21
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Qu’y a-t-il de si attachant dans l’œuvre de Richard Linklater, ancien rejeton du phénomène « indé » des années 1990 (Slacker, Before Sunrise, Génération rebelle, Boyhood) ? Sans doute le régime régulier avec lequel le Texan, installé à Austin, enchaîne encore aujourd’hui, à 64 ans et après trente ans de carrière, des films à la fois originaux et modestes, certes inconstants, mais jamais soucieux de tirer la couverture à eux.

A ce titre, Hit Man, son dernier long-métrage, présenté hors compétition à la Mostra de Venise en 2023, représente une sorte d’antidote à la crise inflationniste que traverse en ce moment le cinéma américain. Voici une comédie de caractère, simple et enlevée – genre millimétré qui a largement migré vers le petit écran –, d’une facture toute classique, brassant une riche matière humaine et toute une galerie de personnages. Hit Man appartient en outre, comme avant lui Bernie (2011), à une veine de son cinéma qu’on pourrait dire « inspirée de faits réels », mais pour mieux en faire un promontoire à fiction.

Tout part d’un article de Skip Hollandsworth, publié en 2011 dans le magazine Texas Monthly, au sujet de Gary Johnson, un discret professeur de philosophie de Houston, qui, pendant plusieurs années, joua pour la police locale le rôle de faux tueur à gages, afin de prendre sur le fait des particuliers prêts à faire supprimer la vie d’un proche. Johnson, qui aida ainsi à conclure une soixantaine d’arrestations, eut notamment à cœur d’élaborer des déguisements appropriés à chacun des commanditaires, et a rencontré à travers ceux-ci une foule de profils et, surtout, d’effarantes impasses existentielles : maris ou femmes voulant éliminer leur conjoint, des employés leur patron, un adolescent ses parents, des amants leurs rivaux, etc. Ecrit avec son acteur principal, Glen Powell, le film transpose le fait divers dans le décor plus pittoresque de La Nouvelle-Orléans, et aborde ce personnage insolite sur la brèche de sa métamorphose.

Abattage caméléon de Glen Powell

Car Gary est d’abord dépeint comme un parfait normopathe, prof à lunettes divorcé vivant seul avec ses deux chats, englué dans une banalité sans éclat, si ce n’étaient les missions d’appoint qu’il effectue pour la police en tant qu’électricien. Amené à remplacer un collègue mis à pied, le voilà bombardé dans la peau du tueur pro, rôle qu’il investit avec tant de conviction que les suspects tombent dans ses filets.

Gary se compose des figures de plus en plus variées : un jour parfait plouc sudiste à tatouages, le lendemain Russe impavide en manteau de cuir noir ou encore pervers au teint nordique en col roulé. Lui qui donne cours sur la structure du psychisme freudien se découvre dans ce rôle d’exécuteur une sorte d’« idéal du moi », qui libère en lui un fond d’aisance, d’assurance, de « coolitude ».

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