Dans la cour de Bercy, ce jeudi 12 septembre, Bruno Le Maire remercie ceux sans lesquels « rien n’aurait été possible » durant ses sept années à la tête du ministère de l’économie et des finances. Ses ministres délégués d’abord, qui recueillent les applaudissements polis des quelque 500 fonctionnaires présents. Les membres de ses cabinets successifs ensuite, « qui se sont sacrifiés, qui se sont épuisés à la tâche, avec un sens de l’engagement pour le service de l’Etat exceptionnel », appuie le ministre démissionnaire.
Emmanuel Moulin, qui fut son directeur de cabinet (2017-2020), notamment pendant la crise du Covid-19, est acclamé. Bertrand Dumont, qui lui a succédé à ce poste en 2020, est applaudi, en dépit de son absence. Jérôme Fournel enfin, qui a remplacé M. Dumont début 2024, est le troisième héros de « cette belle et grande aventure », comme l’a décrite M. Le Maire au moment des adieux. Au premier rang, MM. Moulin et Fournel savourent l’ovation de la « maison Bercy ».
Depuis 2017, ces trois hauts fonctionnaires se partagent les avant-postes de la haute administration : la direction du Trésor, la direction du cabinet du ministre de l’économie et la direction du cabinet du premier ministre. Quand l’un quitte une fonction, l’un des deux autres prend sa place. Un ballet orchestré, depuis l’Elysée, par le puissant secrétaire général de la présidence, Alexis Kohler. Car comme dans le roman d’Alexandre Dumas, les trois mousquetaires sont quatre.
Des « amis de trente ans »
L’école de commerce Essec et l’Ecole nationale d’administration (ENA) pour Kohler et Moulin, HEC et l’ENA pour Fournel, Normale-Sup et l’ENA pour Dumont… Ces « amis de trente ans » incarnent l’élite administrative du pays, même si aucun n’est sorti de l’ENA dans la « botte », qui donne accès aux grands corps. Ils se sont connus à Bercy dans les années 90, et ne se sont jamais perdus de vue.
Trente ans plus tard, alors qu’ils ont atteint la cinquantaine ou quasiment, Alexis Kohler, Emmanuel Moulin et Bertrand Dumont sont toujours amis, se voient en dehors du travail. Avec Jérôme Fournel, la connexion se fait essentiellement par le travail. « C’est une reconstitution de ligue dissoute », s’est exclamé Jean-Pierre Jouyet, ancien secrétaire général de l’Elysée, lorsque Emmanuel Moulin a pris la direction du cabinet de Gabriel Attal à Matignon, en janvier, en lien permanent avec Kohler à l’Elysée.
Un ancien locataire de Bercy décrit « une bande, solidement assise sur le pouvoir depuis sept ans », avec l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée. Emmanuel Moulin, le plus âgé des trois (55 ans), invoque une « succession de hasards » pour justifier la constitution de cette « bande des quatre » au sommet de l’Etat macronien. Bruno Le Maire, qui avait croisé Fournel au cabinet du premier ministre Dominique de Villepin entre 2005 et 2007, puis Moulin et Dumont dans les cabinets sarkozystes, les a introduits dans la sphère macroniste dès 2017. « Des gens qui ont passé beaucoup de temps dans l’administration et qui acceptent des postes de directeur de cabinet très contraignants, il n’y en a pas beaucoup », vante Emmanuel Moulin, las du procès en endogamie.
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