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Histoires Web vendredi, septembre 20
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Magali Reghezza-Zitt est maîtresse de conférences en géographie au Centre de formation sur l’environnement et la société, agrégée de géographie et ancienne élève de l’Ecole normale supérieure. Elle est spécialiste des questions environnementales et urbaines. Elle a été membre du Haut Conseil pour le climat jusqu’en septembre 2023. Elle est depuis cette date détachée à la Cour des comptes. La conférence inaugurale « Demain la ville » lui est confiée à l’édition 2024 des Rendez-vous de l’histoire de Blois, du 9 au 13 octobre.

Pourquoi l’homme a-t-il construit des villes ?

Les travaux des historiens rejoignent ceux des géographes pour essayer de comprendre ce que l’on appelle le « fait urbain », qui correspond très précisément à votre question. La définition de la ville évolue beaucoup selon les pays et les époques, notamment sur le seuil minimal d’habitants ou la limite avec la campagne. On préfère donc parler de fait urbain, pour mettre en avant des invariants. Par exemple, la ville est un espace refuge. Se regrouper offre de nombreuses ressources, la première étant la sécurité, qui s’est longtemps matérialisée par les murailles. On parle de toutes les formes de sécurité : par rapport aux risques naturels, aux invasions et aux pillages, mais aussi sécurité économique, « sécurité sociale » grâce à ses voisins. De plus, par la concentration qu’elle crée, la ville est un centre qui polarise, structure et commande son environnement plus ou moins proche.

La ville est ainsi un lieu de pouvoir religieux, politique, économique. Ce pouvoir ou plutôt ces pouvoirs s’expriment dans l’architecture et la monumentalité. Mais à mesure que la ville s’étend et que les limites entre ville et campagne se brouillent, il est nécessaire de trouver d’autres caractéristiques. Ainsi, pour les géographes, l’urbain se caractérise par le couple densité-diversité, qui découle de la concentration en un lieu unique d’hommes, de richesses, de métiers, de services, de compétences, de talents, donc de potentiels créatifs. Ils parlent même de gradients d’urbanité, en fonction du degré de diversité (d’origine sociale, ethnique, des langues) et de densité (richesses, activités, cerveaux, etc.) combinées sur un territoire donné. La ville pousse cette logique au maximum.

Cet article est tiré du « Hors-Série Le Monde : Réinventons la ville », septembre 2024, en vente dans les kiosques ou sur le site de notre boutique.

Construire une ville, est-ce dominer la nature ou vivre avec elle ?

La ville est une clé de lecture particulièrement éclairante du rapport de l’homme à la nature. Tout ceci a fait l’objet de nombreux travaux, qui croisent des approches historiques, archéologiques, géographiques, anthropologiques, sociologiques, économiques et de plus en plus climatiques, écologiques, biogéographiques et biologiques. En Occident, la ville est conçue en opposition à la nature. La cité, la civitas, est par exemple le lieu dans lequel s’opère le processus de civilisation qui nous arrache à notre état d’animal. En ville, la nature des hommes, comme celle des non-humains, est contrôlée, maîtrisée et artificialisée. Tout un lexique va se développer autour de cette idée : être urbain, c’est être poli, propre, bien coiffé. La nature y est domestiquée dans les jardins et les fontaines. N’y sont acceptés que les animaux tenus en laisse ou entravés.

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