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Histoires Web jeudi, octobre 24
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Retrouvez tous les épisodes de la série « Tracances, j’oublie tout ? » ici

Ils ont dit : « Mais viens ! Apporte ton boulot, tu n’auras qu’à travailler sur place. » Les tracanciers les ont crus. Ils n’auraient peut-être pas dû. Le télétravailleur en paréo sait gérer ses relations à distance avec des collègues suspicieux coincés au bureau, mais il n’a pas forcément anticipé les besoins de ses amis vacanciers. « Mais tu ne vas pas encore travailler aujourd’hui ? », lui lancent-ils dès le deuxième jour. Peut-être ont-ils sincèrement envie d’un randonneur supplémentaire pour grimper au lac du Diable. Peut-être s’ennuient-ils ferme à la plage et l’envient-ils, ce travailleur nomade sans contraintes. Peut-être, même, lui en veulent-ils secrètement d’avancer dans ses projets pendant que leur travail s’enlise, telle une île flottante d’un resto de plage.

Quand un tracancier est en call sur le balcon, le vacancier prétend être dérangé et rumine : « Mais il emmerde tout le monde avec son closing comptable ! » Au fond, il lui reproche de lui rappeler que lui aussi a du boulot qui l’attend. D’autant plus que, habitué au scepticisme qui entoure le télétravail, le tracancier développe une inclination à l’exhibitionnisme (ce sont les mêmes au siège qui ont des bureaux fermés et ne peuvent s’empêcher de passer leurs appels dans les couloirs).

Etre en vacances avec un tracancier, c’est toujours plus compliqué que prévu. Comme il s’est installé dans le passage, il ne peut s’empêcher de lancer des « chuut ! » sonores dès que quelqu’un ouvre une porte, demande régulièrement aux enfants des cousins de faire moins de bruit parce qu’il a une conversation importante. « On se retient de leur dire : “Va travailler à l’étage, nous, on a envie de vivre” », témoigne Cécile, conseillère informatique, à propos des tensions dans la maison de famille en Bretagne. Près du bassin d’Arcachon, Christophe, entrepreneur, demande à femme et enfant d’aller se balader quand il a une réunion à distance. Le tracancier rend chacun solidaire de son travail. Ainsi Philippe, qui, trouvant qu’il ne se passait pas grand-chose pendant une visio, entreprit d’aller tondre la pelouse. C’est sa femme qui, prenant un café dans la pièce à côté, entendit : « Philippe ? Philippe ? » depuis l’ordinateur et courut le récupérer.

Comportement de pignouf

L’autre écueil de la cohabitation tient à la facilité à se comporter en pignouf. A portée d’oreille du reste du groupe, il n’entend pas l’appel à volontaire pour aller à l’hyper, mais il réussit néanmoins à mettre son grain de sel dans la liste des courses (« Vous pouvez reprendre du rosé ? »). Brandissant son joker de télétravailleur à la moindre occasion, le tracancier n’hésite pas à déroger aux règles élémentaires de la convivialité et pioche dans les diverses activités comme si ses copains étaient des GO du Club Med. Alors qu’il s’est attribué la meilleure chambre pour pouvoir avoir un bureau (qu’il n’utilise pas), il n’hésite pas à sécher la visite du Musée de l’espadrille ou l’apéro chez la cousine qui loue une maison pas très loin. Faire les randonnées, oui. Vider un lave-vaisselle, jamais. Aller se baigner mais ne pas s’occuper des enfants. S’enfermer face à son ordinateur au moment de la préparation des repas et attendre d’être appelé à table. Ce n’est pas une vie de tracancier mais de mari des années 1980 !

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