LA LISTE DE LA MATINALE
Pour cette 4e édition de la foire suisse devenue parisienne, du 24 au 26 octobre, on retrouve une programmation « hors les murs » disséminée à travers Paris dans des lieux emblématiques comme la Monnaie de Paris, les Beaux-Arts, Beaubourg – pour deux journées échevelées avant sa fermeture –, ou des écrins à découvrir.
La jeune création à l’honneur
Nomade depuis sa création en 2015, la plus hype des foires off investit cette année un bâtiment sans charme mais qui a l’immense avantage de se situer à un jet de pierre d’Art Basel Paris, sur le rond-point des Champs-Elysées. Venues de Chine, d’Ecosse ou du Brésil, 66 galeries se déploient sur trois étages. Particulièrement appréciable, l’accent mis sur les solo ou duo shows, qui permettent d’entrer dans l’univers d’artistes peu connus.
La jeune création est à l’honneur, mais les années 1970 imposent leur inventivité, avec les fascinants jeux typographiques de Tomaso Binga, chez Tiziana Di Caro, et les digressions sur la grille de Bia Davou, minimaliste grecque remarquée à la Documenta de 2017, présentée par Records, venu d’Athènes. Autant de stands qui ne dépareraient pas au Grand Palais, tout comme celui de Vistamare, qui apporte de Milan des merveilles signées Rosa Barba, tableaux cinétiques composés de pellicules de films. On ne ratera pas non plus, chez les Polonais de Stereo, les fusains de Wojciech Bakowski, paysages urbains aux ombres inquiétantes, ni, aux antipodes, les créatures hybrides, aquarelles et céramiques aux couleurs vives, de Madison Bycroft, au Sissi Club de Marseille. E. Le.
Foire Paris Internationale. Jusqu’au 26 octobre, 22, avenue des Champs-Elysées, Paris 8e.
L’hôtel de Maisons en folie
A l’hôtel de Maisons, occupé autrefois par le couturier Karl Lagerfeld (1933-2019), rue de l’Université, tout est luxe, calme et volupté. Depuis deux ans, cette fastueuse demeure du XVIIIᵉ siècle sert d’écrin à l’excroissance parisienne de la foire Design Miami. Dans l’enchaînement des salons parés de boiseries et de belles moulures, les 29 marchands d’arts décoratifs jouent la carte de l’exception : des fauteuils modèle Trèfle de Jacques Royère chez Patrick Seguin, une céramique rugissante de Hella Jongerius chez Kreo, un brochet signé Lalanne dissimulant des tiroirs secrets chez Chastel-Maréchal, des grès d’André Rozay chez Lebreton, ou encore de superbes tables sculptées en nids d’abeille travaillés à la gouge par Jean Touret chez Gastou et Desprez Breheret. Parmi les découvertes, les petits objets, presse-papier ou décapsuleur en bronze datant des années 1950, par l’atelier viennois Carl Auböck chez Patrick Parrish Studio. R. A.
« Design Miami Paris ». Jusqu’au 26 octobre, hôtel de Maisons, 51, rue de l’Université, Paris 7e.
Opéra conceptuel et défilé déconstruit
Quel étrange hybride que cette performance, donnée pendant cinq jours non-stop : elle tient à la fois de l’opéra (trop) conceptuel et du défilé de mode déconstruit, brouillant les codes, nous perdant dans ses dédales de pensée. Son autrice, la plasticienne britannique Helen Marten, s’est-elle laissée prendre au piège de la marque Miu Miu, partenaire officielle du programme public d’Art Basel Paris qui lui a passé commande du projet ? On peine à se laisser emporter par les danses, chants et soliloques de la trentaine de performeurs (les « 30 blizzards » du titre) qu’elle a mis en scène, tant leurs atours griffés (Miu Miu, bien sûr) leur volent la vedette.
Cernés par un dispositif mécanique un peu lourd, tous ces corps, de toutes couleurs, toutes tailles, toutes sexualités, liane en pantalon vert lamé, gironde en socquettes, patineur géant, peinent à transformer ce catwalk en envoûtement. Le metteur en scène d’opéra Fabio Cherstich est pourtant lui aussi de la partie, comme la musicienne Beatrice Dillon. Restent, au fil du cycle de deux heures qui tourne en boucle, de saisissantes apparitions, des polyphonies qui soudain nous emportent ailleurs. Mais surtout, beaucoup de vent. E. Le.
« 30 blizzards ». Jusqu’au 26 octobre, palais d’Iéna, 9, place d’Iéna, Paris 16e.
Drôle de marché aux puces
Un marché aux puces ? Oui, mais dans sa version ludique et conceptuelle. Le principe de l’installation d’Harry Nuriev aux Beaux-arts de Paris est simple : vous venez avec un objet dont vous souhaitez vous débarrasser, et vous l’échangez avec l’une de vos trouvailles dans le bric-à-brac que l’artiste a déposé au sol. Vous pouvez prendre n’importe quoi, sauf les veilleuses qui éclairent d’une lumière blafarde cette modeste caverne d’Ali Baba. Dans les caisses déployées au sein de la chapelle des Petits-Augustins, des moulins à café, des sacoches en cuir, des livres et des balais, une tour Eiffel en plastique, une boîte à biscuits, un clavier.
Un stock qui se renouvelle au fur et à mesure du flux des visites, et jure avec la solennité du lieu, envahi de moulages anciens. Sous la copie du Jugement dernier, de Michel-Ange (1475-1564), l’échange effectué sera répertorié, faisant l’objet d’un contrat répertorié dans l’annuaire chaque jour grossissant des transactions. Une habile digression sur la notion de valeur, particulièrement bienvenue en cette semaine dédiée au marché de l’art. E. Le.
« Harry Nuriev. Objets trouvés, 2025 ». jusqu’au 26 octobre, chapelle des Petits-Augustins, 14, rue Bonaparte, Paris 6e.
Mémoire collective bousculée
L’artiste berlinois Julius von Bismarck, né en 1983, s’attaque à tout ce qui nous semble immuable, et notamment les monuments, pour en révéler la fragilité comme la puissance, notamment sur la mémoire collective et nos imaginaires. The Elephant in the Room (2023) rassemble deux immenses sculptures conçues comme ces jouets en bois articulés tenus par des fils qui s’effondrent et se reconstituent selon la pression exercée sur le socle. Ici, les figures sont une girafe de zoo naturalisée et la réplique d’une statue équestre d’Otto von Bismarck (1815-1898), le premier chancelier de l’Empire allemand – et son encombrant ancêtre.
Les mouvements automatisés les montrent en train de choir ou de se relever au ralenti dans un déboulonnage et resurgissement aussi hypnotique qu’étrange. Derrière l’installation se découvrent d’autres œuvres de l’artiste : des panneaux de bois aggloméré sur lesquels il a pressé des plantes ou des animaux naturalisés (cactus, lapins, fougères, détritus…), créant de grinçantes fresques texturées, ainsi qu’une vidéo planante montrant un ballet d’insectes qui tournoient à l’aveugle autour d’un néon. E. J.
« Julius von Bismarck, 2023-2025 ». Jusqu’au 26 octobre, Petit Palais, avenue Winston-Churchill, Paris 8e.
L’art contemporain et le mobilier ancien dialoguent
Bousculer les époques, croiser les styles, mixer les genres : rarement dialogue aura été aussi réussi que celui signé par Valérie Cueto, conseillère française à New York, dans les locaux du marchand Philippe Perrin, place Beauvau. Ces deux-là se connaissent depuis trente ans. L’une est spécialisée en art moderne et contemporain, l’autre descend d’une lignée d’antiquaires versés dans le XVIIIe siècle. Leur idée ? Démontrer qu’un bureau de Jacob Desmalter dialogue sans effort avec un Robert Longo de 1982, qu’une géométrie de François Morellet sublime un meuble de Levasseur, sur lequel trône un bronze provenance Rothschild.
Surtout ne pas manquer, en sous-sol, un lit d’esprit surréaliste de Max Ernst (1891-1976), que côtoient de délicieux dessins réalisés par la jeune artiste Audrey Guttman. Juste à côté, l’antiquaire Marella Rossi ouvre l’écrin de la galerie Aveline à la conseillère Laurence Dreyfus, qui orchestre elle aussi un dialogue saisissant entre mobilier ancien et art contemporain avec des œuvres majeures de Lee Ufan, Morellet ou Daniel Buren. R. A.
« L’Œil nomade ». Jusqu’au 20 décembre, Galerie Perrin, 98, rue du Faubourg-Saint-Honoré, place Beauvau, Paris 8e ; « Chambres à part ». Jusqu’au 31 octobre, Galerie Aveline, 94, rue du Faubourg-Saint-Honoré, place Beauvau, Paris 8e.
Un nouveau joyau au Louvre
Les Tuileries, monde flottant. Les vaguelettes miroitantes des bassins, la suractivité des insectes parmi les fleurs, la symbiose entre les jardiniers et les oiseaux attendant la sortie de terre de vers, les variations de la lumière sur ce petit théâtre d’une nature urbaine, les gerbes d’herbe fauchée, les rondes des gardiens, la solitude nocturne des sculptures : invité par le Louvre à filmer le jardin des Tuileries au fil de cinquante-deux semaines, de février 2024 à février 2025, Mohamed Bourouissa a d’abord livré des vignettes vidéo pour les réseaux sociaux de l’institution, avant de condenser cette traversée des saisons en une vidéo de près de vingt minutes, dont il signe la musique tout en envoûtantes nappes sonores composées à partir des bruits du jardin.
Intitulée Les 4 Temps, elle se présente dans un format vertical sur le modèle de nos écrans de smartphone (c’est l’outil avec lequel il a filmé), et fait référence au centre commercial de la Défense, que l’on aperçoit au loin dans la perspective historique, et qu’il a fréquenté en grandissant à Courbevoie (Hauts-de-Seine). L’œuvre vient d’être acquise par le Louvre, ce qui en fait la toute première vidéo à entrer dans ses collections. E. J.
« Les 4 temps ». Jusqu’au 19 janvier 2026, Musée du Louvre, salle de la Chapelle, Paris 1er.
Deux jours de réouverture festive
Le Centre Pompidou a fermé ses portes le 22 septembre mais les rouvre exceptionnellement pour participer à l’effervescence parisienne pendant Art Basel. Evénement festif coconçu par l’institution et Because Music à l’occasion des 20 ans du label, « Because Beaubourg » investira tous les niveaux du bâtiment pour deux jours et deux nuits entre showcases, concerts et soirées clubbing, installations artistiques, roller disco, performances, ateliers pour enfants, projections, visites guidées ou dessinées, conférences, master class…
Si la billetterie est d’ores et déjà épuisée pour les deux soirées (au cours desquelles se produiront Selah Sue, Keziah Jones, The Limiñanas et SMITH, et Catherine Ringer le vendredi, et Pascal Comelade, Sébastien Tellier, spill tab, Shygirl, et Christine and the Queens le samedi), l’événement est en accès libre les deux journées. A voir : des fantômes d’œuvres qui apparaîtront dans leur ancienne salle du musée, une fresque monumentale par les étudiants de l’atelier de Stéphane Calais aux Beaux-Arts de Paris, l’histoire d’Ed Banger retracée en tee-shirts, une installation de l’ex-Daft Punk Thomas Bangalter… E. J.
« Because Beaubourg ». Vendredi 24 et samedi 25 octobre, de 11 heures à 18 heures en journée, de 20 heures à 5 heures en soirée, Centre Georges-Pompidou, place Georges-Pompidou, Paris 4e.
Un nouveau lauréat au prix Duchamp
C’est l’annonce traditionnelle de la semaine parisienne de l’art, et elle a été faite pour la première fois depuis le Musée d’art moderne de Paris, qui prend le relais du Centre Pompidou pour ses années de fermeture. L’Adiaf, l’association de collectionneurs qui porte le prix Marcel Duchamp (doté de 90 000 euros et décerné par un jury international), a dévoilé le nom du lauréat 2025 : le peintre chinois et parisien Xie Lei.
L’exposition des propositions des quatre artistes nommés révèle une exploration à la fois commune et très personnelle des limites du visible, de la saisissante série sur la chute par Xie Lei à l’élégant ensemble de peintures tout en transparences et juxtapositions d’Eva Nielsen, en passant par la Maison silencieuse, de l’artiste sud-africaine installée en France Bianca Bondi, à l’univers instable, en mutation constante à l’épreuve de l’eau salée, qui oxyde l’espace domestique, et le parcours proposé par Lionel Sabatté à travers ses différentes pratiques, de la sculpture à la peinture, du dessin de poussières aux compositions de peaux mortes.
Autre prix emblématique de la semaine, le prix Ricard, plus consacré à l’émergence, a opéré sa mue avec l’annonce (ce vendredi soir) d’expositions personnelles dans des institutions européennes pour les trois artistes lauréats (Saodat Ismailova, Alexandre Khondji et Hélène Yamba-Guimbi), et dont une exposition collective présente actuellement le travail. E. J.
Prix Duchamp. Jusqu’au 22 février, entrée libre, Musée d’art moderne de Paris, 11, avenue du Président-Wilson, Paris 16e ; « Sorry Sun ». Jusqu’au 31 octobre, entrée libre, Fondation Pernod Ricard, 1, cours Paul-Ricard, Paris 8e.
Vers l’ouest et le sud
Pour sa onzième édition baptisée « Grow » (« grandir »), la foire Asia Now a décidé d’élargir son horizon et de porter loin son regard vers l’ouest et le sud du continent. Parmi les 70 galeries accueillies dans les majestueux espaces de la Monnaie de Paris, en bord de Seine, des artistes du Moyen-Orient, d’Inde et du Sri Lanka côtoient des peintres et plasticiens chinois, japonais ou coréens. C’est d’ailleurs un représentant de l’Arabie saoudite, Mohammad Alfaraj, qui ouvre le parcours en transformant l’entrée du monument en palmeraie.
Dans la grande cour, le Libanais Pascal Hachem installe un chaos de meubles en bois qu’il nomme Threaded Whole, accompagné d’une performance musicale sur le thème de la mémoire. Notion qui a inspiré à la Sud-Coréenne Lee Hyun Joung (galerie Louis & Sack) une série d’œuvres où l’encre de Chine et les pigments ondulent sur une feuille de papier de riz (hanji) que l’artiste travaille méticuleusement, lui donnant l’aspect gaufré d’un tissu. S. Ke.
« Asia Now ». Jusqu’au 26 octobre, de 11 heures à 20 heures (19 heures le dimanche 26 octobre), Monnaie de Paris, 11, quai de Conti, Paris 6e.
L’art africain dans toute sa diversité
Pour la dixième fois, AKAA (pour Also Known As Africa) est à Paris, avec 43 galeries, les unes dans leur stand particulier, les autres dans un espace commun qui permet à celles qui s’y trouvent de présenter une ou un de leurs artistes majeurs. Ces galeries viennent de France – la plupart –, du Portugal ou d’Allemagne, mais aussi de plus loin – d’Afrique du Sud ou de Porto Rico, qui n’avait jamais encore été présent. Autre diversité, celle des techniques, même si la peinture domine. Les références à la statuaire africaine ancienne sont explicites chez Serge Mouangue et implicites chez nombre d’autres.
L’influence de quelques artistes africains-américains, de Barkley Hendricks à Kehinde Wiley, est aussi visible. Parmi les artistes reconnus de longue date figurent la sculptrice Seyni Awa Camara, prolifique, les peintres Nu Barreto, Dominique Zinkpè ou Amadou Sanogo. Mais c’est sur un autre artiste qu’on aimerait attirer l’attention, Joël Bigaignon, qui, en quelques toiles, affirme son style et sa liberté. Ph. D.
« AKAA Fair ». Jusqu’au 26 octobre, de 12 heures à 20 heures (18 heures dimanche 26 octobre), Carreau du Temple, 4, rue Eugène-Spuller, Paris 3e.
Chapelle spectaculaire
Après avoir occupé l’hôtel de Rothschild puis un garage des années 1930, la foire Offscreen surprend encore en s’installant dans la spectaculaire chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière, dans le 13e arrondissement. Soit quatre nefs et chapelles réparties autour d’un octogone central, où les œuvres présentées, centrées autour de la vidéo et de l’image, dialoguent avec le mobilier religieux.
Parmi les trouvailles de cette foire composée uniquement de solo shows, une vidéo visionnaire de Richard Serra, Television Delivers People (1973), galerie CarrerasMugica, où l’artiste assène son discours sur la transformation des spectateurs en produits pour les annonceurs, les arbres littéralement brûlés de Laurent Lafolie à la galerie Binome, et nombre de travaux des années 1970 comme ceux d’Annegret Soltau chez Anita Beckers.
En écho avec l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière tout autour, on peut aussi y voir d’étonnants tirages de 1893 pris par Albert Londe (1858-1917), pionnier de la chronophotographie, lors des séances du docteur Charcot, ce célèbre neurologue qui mettait en scène ses expériences sur les « hystériques » dans ses célèbres et controversées « leçons du mardi ». Cl. G.
« Offscreen ». Jusqu’au 26 octobre, chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, Paris 13e.











