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La trentenaire Grace Wales Bonner est la nouvelle femme chargée chez Hermès d’habiller les hommes : la maison française a annoncé sa nomination en qualité de directrice de création du prêt-à-porter masculin dans un communiqué, le 21 octobre à la mi-journée. Une entrée dans le grand monde qui couronne l’ascension progressive et sans fausse note de cette Britannique aux origines jamaïcaines qui, depuis le lancement de son label pour hommes en 2014 – enrichi d’une gamme pour femmes à partir de 2018 –, a connu un succès d’estime dans le milieu et réussi des coups commerciaux (notamment grâce à une collaboration de long terme avec Adidas, sans cesse en rupture de stock).

Diplômée de la Central Saint Martins, grande école londonienne d’arts et de mode, Grace Wales Bonner s’est fait connaître avec son prêt-à-porter élégant, nourri de références artistiques et intellectuelles à la diaspora africaine (James Baldwin, Aimé Césaire, Kerry James Marshall…), plaidant pour une mode hybride et consciente des imaginaires et des messages qu’elle déploie. « La mode est un moyen de communication très direct qui permet de véhiculer des idées complexes. On peut comprendre beaucoup de choses rien qu’en la regardant », plaidait la designer l’an dernier, dans un portrait que lui consacrait « M le magazine du Monde ».

« Sa vision contemporaine de la mode, de l’artisanat et de la culture continuera à façonner le style du prêt-à-porter homme d’Hermès, conjuguant avec confiance son regard sur l’époque et l’héritage de la maison », s’enthousiasme Pierre-Alexis Dumas, directeur artistique général d’Hermès, dans le communiqué scellant le recrutement. En dix ans de créations au sein de sa marque, Grace Wales Bonner a démontré l’étendue de son vocabulaire, passant de tailleurs impeccables à l’allure vintage à du sportswear tout-terrain, de mocassins ou sandales en cuir à des bijoux grigris poétiques.

Une agilité qui n’a pas échappé aux chasseurs de têtes et cadres des grands groupes – son nom a ainsi, par le passé, plusieurs fois circulé comme possible recrue de maisons de LVMH ou de Kering. Raffiné, luxueux, divers, lumineux, tourné vers l’artisanat : les vestiaires jusqu’ici respectifs de Grace Wales Bonner et d’Hermès partagent des traits communs. Déjà, dans une interview parue au printemps 2019 accordée au magazine de mode System, la Britannique citait la marque française comme entreprise idéale dans laquelle approfondir son univers. « Ouvrir ce nouveau chapitre, m’inscrire dans une telle lignée d’artisans et de créateurs est pour moi un rêve », écrit-elle aujourd’hui dans le communiqué annonçant sa nomination. Son entrée rue du Faubourg-Saint-Honoré se fera pour autant sans empressement : le premier défilé de Grace Wales Bonner pour Hermès n’aura pas lieu avant janvier 2027.

Son arrivée aura l’effet d’une petite révolution dans la maison, où la direction artistique des collections masculines n’avait pas changé depuis trente-sept ans. En 1988, Jean-Louis Dumas, le président du groupe Hermès, avait proposé le poste à Véronique Nichanian, alors chez Nino Cerruti où elle était arrivée en 1976. Sans faire de vague, avec une constance peu commune dans la mode, elle s’était attelée à définir la page blanche que constituait « l’homme Hermès », ou plutôt, comme elle le dit, « les hommes Hermès ».

Une maison qui ne connaît pas la crise

La recherche sur les matières, toujours plus légères et confortables, a guidé ses presque quatre décennies de création. Elle s’est concentrée sur les détails, rajoutant une poche, une doublure ou un zip afin que le vêtement soit le plus possible au service du corps. D’un point de vue esthétique, cette fille d’un industriel parisien éduquée dans une atmosphère cosmopolite, diplômée de l’Ecole supérieure de la chambre syndicale de la couture parisienne, a privilégié une garde-robe sobre et classique, ancrée dans la réalité, ennoblie par des cuirs d’une qualité rare et réveillée par des mélanges de couleurs ou un détail équestre qui rappelle les origines de sellier de la maison. « De vrais vêtements pour de vraies personnes », résumait-elle sans fioriture en 2021 auprès de « M le magazine du Monde ». Véronique Nichanian chez Hermès, c’était moins de la mode qu’un style. Une allure élégante mais pragmatique, toujours à l’écart des tendances.

Cette intemporalité a rendu possible son incroyable longévité. Et à voir les défilés qui perpétuaient sans fausse note le style qu’elle avait consacré, la créatrice donnait l’impression qu’elle aurait pu continuer encore longtemps. A 71 ans, elle a décidé de se consacrer à d’autres projets et salue l’élégance d’Hermès qui l’a laissée choisir le moment où elle voudrait s’arrêter. « Depuis 1988, travailler pour Hermès a été un immense plaisir. Je suis très fière de faire partie de cette grande famille au sein de laquelle j’ai pu m’épanouir, bénéficiant d’une totale liberté de création », a-t-elle fait savoir dans le communiqué de presse annonçant son départ, le 17 octobre.

Si les changements de directeurs artistiques sont la plupart du temps, dans l’industrie du luxe, un levier supposé offrir un nouvel élan à des marques en perte de vitesse créative et commerciale, la règle ne s’applique pas à Hermès. La crise qui touche tout le secteur depuis deux ans n’a même pas effleuré la maison française, qui a affiché plus de 7 % de croissance au premier semestre 2025. Fort d’un chiffre d’affaires à 15,2 milliards d’euros en 2024, le groupe en profite pour se développer.

A la fin septembre, il a ouvert son vingt-quatrième atelier de maroquinerie à L’Isle-d’Espagnac, en Charente, avant quatre implantations similaires promises d’ici 2028. Par ailleurs, après le lancement d’une ligne de soins et de beauté en 2020, sa seizième activité (outre la maroquinerie, la soie, les gants, les arts de la table, les chaussures, etc.), l’introduction d’une ligne de haute couture est envisagée à horizon 2026 ou 2027. Avant cela, le samedi 24 janvier 2026, Véronique Nichanian présentera son ultime défilé pour Hermès, lors de la fashion week masculine de Paris. Son soixante-seizième.

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