Quiconque a vécu un jour d’élection de Lomé à Dakar ou de Yaoundé à N’Djamena en est profondément convaincu : prétendre que « l’Afrique n’est pas faite pour la démocratie » est une ineptie. Il suffit de rencontrer des Africains, illettrés ou éduqués, se pressant dans des bureaux de vote, pour comprendre le sens évident qu’ils donnent à ce droit fondamental – choisir et renvoyer ses dirigeants sur une base égalitaire –, et pour conforter sa conviction en l’universalité de l’aspiration démocratique.
Cette observation n’est pas déplacée à l’heure où l’assimilation de la démocratie à l’Occident colonisateur est le nouveau mantra « décolonial » des dictateurs du continent et la justification avancée par leurs supporters, y compris chez certains intellectuels.
« L’Afrique souffre d’un modèle de gouvernance qui lui a été imposé, a pu ainsi gronder à la tribune de l’ONU en 2023 Mamadi Doumbouya, actuel homme fort de Guinée. Ce modèle démocratique que vous nous avez si insidieusement et savamment imposé (…), ne marche pas ». Quatre ans après sa prise du pouvoir par la force, l’ancien légionnaire de l’armée française qui jurait que jamais il ne se présenterait à l’élection présidentielle, a organisé, le 21 septembre, une mascarade de référendum qui, remporté par 89 % des voix, va lui permettre de se faire « élire ».
Ce « général d’armée » autoproclamé, contempteur de la démocratie « imposée par le colonisateur », a transformé la Guinée, pays autoritaire depuis son indépendance, en cauchemar : libertés bâillonnées, opposants torturés, enlèvements comme ceux, inexpliqués depuis plus d’un an, de Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah, des militants des droits humains qui réclamaient le retour à l’ordre constitutionnel. Des personnalités incroyablement courageuses comme on en rencontre dans toute l’Afrique, qui mettent aussi en pièces l’idée d’un continent réfractaire à la démocratie.
Des élections vidées de leur sens
La Guinée n’est qu’un exemple parmi d’autres : du Mali au Niger en passant par le Burkina Faso, le grand retour des putschistes au pouvoir en Afrique francophone marque l’échec de régimes qui sous le vernis d’un rituel électoral factice salué par Paris, ont entretenu la corruption, le clientélisme communautaire, et se sont montrés incapables de répondre aux besoins élémentaires de la population, comme la sécurité et la santé, face à l’avancée des djihadistes.
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