Huit mois après l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, les nuages s’amoncellent au-dessus de l’économie américaine. Sa promesse de rendre l’Amérique plus forte grâce à un mélange baroque de protectionnisme commercial, de dérégulation, de relance budgétaire, de capitalisme d’Etat et de politique migratoire restrictive a créé beaucoup d’incertitudes, qui commencent à se lire dans les statistiques macroéconomiques.
La croissance des Etats-Unis est aujourd’hui en nette décélération. En 2024, le produit intérieur brut progressait encore de 2,8 %. Au premier semestre, le rythme s’est réduit de plus de la moitié. Le marché de l’emploi, lui, tourne au ralenti. Les créations de postes se sont effondrées depuis le début de l’année et peinent à stabiliser le taux de chômage. Même si celui-ci reste bas, le nombre d’Américains inactifs a augmenté de 1,2 million depuis avril. Beaucoup de salariés hésitent à changer de poste, de peur de ne pouvoir trouver mieux ailleurs.
Une majorité d’Américains a élu Donald Trump en 2024 pour qu’il augmente les salaires réels, comme il l’avait fait lors de son premier mandat, grâce à des baisses d’impôts et à la déréglementation. Mais ses taxes aux frontières et ses expulsions de la main-d’œuvre étrangère produisent l’effet inverse. Le pouvoir d’achat des 10 % les plus pauvres s’écroule, accentuant les inégalités.
Décisions à l’emporte-pièce
Donald Trump accuse la Réserve fédérale de suivre une politique monétaire trop restrictive en maintenant des taux d’intérêt trop élevés. L’effervescence constatée sur les marchés financiers tend à prouver le contraire. Les indices boursiers sont au plus haut et les émissions de dette des entreprises se multiplient. Ses pressions insistantes sur la banque centrale pour réduire ses taux risquent d’exacerber une inflation qui, à près de 3 %, n’est pas maîtrisée et devrait s’accélérer au fur et à mesure que les effets des droits de douane sur les produits importés vont se diffuser dans l’ensemble de l’économie.
A ces indicateurs en berne s’ajoutent des décisions à l’emporte-pièce. Alors que les Etats-Unis disent vouloir attirer les investissements du monde entier pour relancer l’économie, l’administration américaine multiplie les messages contradictoires aux entreprises qui souhaitent s’implanter. Le raid récent des services d’immigration contre une entreprise sud-coréenne ou l’instauration de frais prohibitifs pour obtenir un visa de travail sont plutôt de nature à freiner les ardeurs des investisseurs. Ceux-ci doivent composer avec des décisions politiques instables sur le plan juridique et contre-productives pour la bonne marche des affaires.
Ce panorama mitigé de l’économie américaine est, pour le moment, occulté en grande partie par le boom de l’intelligence artificielle (IA). Avec les investissements gigantesques sur toute la chaîne de valeur, des microprocesseurs aux centres de données en passant par la fourniture d’énergie pour les faire tourner, l’émergence de cette technologie constitue, aujourd’hui, le principal moteur de la croissance du pays.
Mais l’impact réel de l’IA en matière d’emploi et de productivité reste incertain. Il est probable que les Américains ressentent les effets des droits de douane sur leur pouvoir d’achat bien avant qu’ils ne touchent les dividendes de l’IA. Surtout, les investissements mirobolants et les valorisations boursières extravagantes dans le secteur ne pourront pas durer si les profits ne se matérialisent pas rapidement. Si la bulle de l’IA, qui est en cours de formation, éclatait, le roi serait nu.