Le 15 août, le syndicat suédois IF Metall a, dans l’indifférence de la trêve estivale, temporairement mis fin à la grève historique contre la multinationale Tesla, qui aura duré six cents jours. La cause de ce conflit, qui a débuté le 27 octobre 2023 – première grève contre l’entreprise à l’échelle mondiale et l’une des plus longues de l’histoire de la Suède –, résidait dans le refus de Tesla de ratifier les conventions collectives avec la petite centaine de mécaniciens spécialisés dans l’entretien des véhicules de la marque, qui ne possède qu’un seul site de production en Europe, à Berlin.
Si ces conventions collectives ne sont pas formellement obligatoires en Suède, elles constituent l’axe principal des négociations sur les salaires et les conditions de travail, couvrent la majeure partie des employés et donnent une légitimité aux syndicats, qui recrutent encore près de 70 % de la population active, proportion en baisse régulière, mais constituant toujours un record mondial. Il y avait donc un enjeu de taille dans ce conflit mobilisant, à première vue, un petit nombre d’employés dans un secteur très spécifique : celui de maintenir une norme qui garantit encore un haut niveau de protection des salariés dans une économie très internationalisée. IF Metall a été jusqu’à dire que si Tesla refusait de signer les conventions, il serait contraint de quitter la Suède. L’entreprise Toys “R” Us, également américaine, avait déjà été contrainte de plier face à cette organisation syndicale en 1995, après seulement quelques semaines de mobilisation, et pour des motifs similaires.
Cette fois-ci, Tesla et les syndicats ont dû faire preuve d’une endurance plus impressionnante encore dans un conflit qui a mobilisé des ressources considérables de part et d’autre. IF Metall a, par exemple, bénéficié à de nombreuses reprises d’actions de solidarité d’autres syndicats qui n’étaient pas partie prenante au conflit mais étaient susceptibles de bloquer l’activité de Tesla : les dockers pour l’acheminement des véhicules, les postiers pour l’envoi des certificats d’immatriculation, les électriciens pour l’installation et l’entretien des bornes… Ces initiatives ont contraint Tesla à rivaliser d’ingéniosité pour contourner ces blocages, en essayant, entre autres, de faire transiter ses activités par le Danemark. Mais, là encore, les syndicats se sont régulièrement interposés. Il faut rappeler que la Scandinavie est le plus grand marché européen de la firme, avec la Norvège comme fer de lance, qui est en passe de devenir le premier pays au monde à ne plus vendre de véhicules thermiques neufs. La grève et son contournement ont donc coûté très cher à Tesla en termes de réputation, mais aussi de part de marché.
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