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Histoires Web samedi, septembre 13
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Nos luttes ne sont pas uniquement animées par nos idées, mais aussi par les émotions qui nous habitent. Intellect et affects s’entremêlent irrémédiablement, et examiner leur intrication n’est autre que le programme de Résistances affectives (La Découverte, 248 pages, 19,50 euros), où l’anthropologue Chowra Makaremi explore « les façons d’agir, de tenir, de se recomposer, fondées sur nos mémoires émotionnelles et les savoirs issus de nos vies affectives ».

La chercheuse, rattachée à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, y élargit la réflexion menée dans son essai précédent, Femme ! Vie ! Liberté ! Echos d’un soulèvement révolutionnaire en Iran (La Découverte, 2023), un ouvrage remarqué où elle analysait le mouvement de révolte contre le voile en Iran, qu’elle considère comme l’amorce d’un basculement révolutionnaire.

Une interrogation traverse ce nouvel essai : pourquoi l’injustice tolérée hier provoque-t-elle l’insurrection aujourd’hui ? « L’indignation est un mouvement politique plus compliqué qu’il n’y paraît, et cette complexité nous renvoie au brouillard qui plane sur notre puissance d’agir. » A la confluence du politique et de la philosophie éthique, Résistances affectives approfondit ainsi un sillon émergent et vient questionner le rationalisme froid hérité de la tradition européenne. Des sciences sociales à l’écologie du vivant, la scission classique entre raison et émotion est remise en question par de nombreux travaux qui récusent ce dualisme, tout en soulignant ses effets politiques.

Pour Chowra Makaremi, l’exclusion de cette part émotionnelle entraîne la création d’« un dehors que le politique a délimité pour se légitimer », élaborant une fiction selon laquelle la décision publique doit échapper aux passions pour n’être que du domaine de la raison. Et ainsi exclure, au motif de leur inaptitude, les femmes, les enfants et les étrangers de la sphère politique.

Or, affirme la chercheuse, l’émotion « ne menace pas la raison comme le chaos menace l’ordre ». Au contraire, nos affects constituent « une autre forme de vérité qui passe par le corps et la voix », lesquels ont justement été remis, à ses yeux, au cœur de l’espace public par les contestations contemporaines portées par les femmes. Des combats qui ont d’ailleurs marqué la trajectoire biographique de cette chercheuse d’origine iranienne dont la mère et la tante, opposantes de l’ayatollah Khomeyni, ont été incarcérées et assassinées par son régime dans les années 1980 – une histoire qu’elle a racontée en 2019 dans son film documentaire Hitch, une histoire iranienne.

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