« La renégociation des accords commerciaux sur les médicaments pourrait bouleverser notre système de sécurité sociale »

La seconde administration Trump a initié une politique commerciale tranchant par rapport à celle poursuivie lors de son premier mandat et lors du mandat de son prédécesseur. Depuis la crise sanitaire, les chaînes de valeur tendaient à se relocaliser au plus près des marchés finaux (reshoring) ou suivant les alignements géopolitiques (friendshoring). Les mesures protectionnistes ciblaient principalement les pays non alignés sur les Etats-Unis, en particulier la Chine. En 2024, la Chambre des représentants votait, à une large majorité bipartisane, le Biosecure Act, pour interdire à une large part des sociétés pharmaceutiques aux Etats-Unis d’utiliser les services de sous-traitance de sociétés chinoises.

Cependant, Donald Trump a dévoilé, le 2 avril (proclamé « jour de la libération »), une nouvelle approche concernant les droits de douane, prenant seulement en compte le déséquilibre commercial vis-à-vis des Etats-Unis, sans considération de l’alignement géopolitique. Alors que les importations de produits pharmaceutiques bénéficiaient jusque-là d’une exemption, l’administration Trump prévoit d’augmenter progressivement les droits de douane sur ces produits pour atteindre 250 % – sauf pour les pays ayant renégocié leurs accords commerciaux avec les Etats-Unis, comme ceux de l’Union européenne (UE), qui se verrait appliquer des droits de douane plus favorables. Pourquoi une telle décision ?

Le marché pharmaceutique actuel est marqué par deux déséquilibres majeurs : les Etats-Unis représentent le premier marché en valeur, tandis que la production des principes actifs est réalisée majoritairement par la Chine et l’Inde, ce qui implique une forte vulnérabilité pour le reste du monde. Cet état de fait serait modifié par la nouvelle stratégie américaine.

Débouché majeur

Dans le domaine de la santé, et en particulier dans celui des nouveaux médicaments, le marché américain conserve un poids prépondérant. Parmi les biens publics mondiaux « offerts » par les Etats-Unis au reste du monde figurent en effet non seulement le dollar, la devise-clé du système monétaire international, la sécurité militaire pour ses alliés membres de l’OTAN [Organisation du traité de l’Atlantique Nord] ou en Asie du Sud-Est, mais aussi les médicaments innovants. A travers un système de fixation des prix très favorable aux industriels, les Etats-Unis représentaient en 2023 environ la moitié (44,4 %) des dépenses de médicaments mondiales en valeur. Ce débouché majeur constitue une forte incitation à innover pour l’industrie pharmaceutique mondiale.

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