La 80ᵉ édition du Tour d’Espagne s’élance, samedi 23 août, de Turin, en Italie. Pour les prétendants au maillot rouge final, l’horizon s’est considérablement éclairci, car Tadej Pogacar, un temps annoncé au départ, ne participera finalement pas. Le Slovène, lauréat du Giro 2024 et qui s’est offert, à la fin du mois de juillet, un quatrième sacre sur le Tour de France, a choisi de se focaliser sur la préparation des Mondiaux de cyclisme sur route, organisés au Rwanda du 21 au 28 septembre (et dont il est le champion sortant), laissant derrière lui une Vuelta débarrassée de son épouvantail.
Son ombre ne s’effacera pas totalement. L’absence du maître ne signifie pas absence de plan pour sa formation, UAE Team Emirates XRG, qui peut compter sur ses deux « héritiers » naturels. Joao Almeida, d’abord, régulier, stratège et bon grimpeur. Le Portugais de 27 ans a remporté trois courses par étapes depuis le début de la saison (le Tour du Pays basque, celui de Romandie et celui de Suisse). Cependant, contraint à l’abandon lors de la 9ᵉ étape de la Grande Boucle, il aborde l’échéance espagnole avec une préparation tronquée.
Juan Ayuso, ensuite. Jeune, ambitieux, parfois impatient, il pourrait être un allié précieux tout comme une épine dans le pied du natif de l’Estrémadure. Prêt à saisir, devant son public, la moindre occasion pour s’affirmer comme le véritable chef de file de l’équipe. D’autant que le coureur de 22 ans, attendu comme l’un des hommes forts de la saison, a vu son printemps s’assombrir sur le Tour d’Italie, en abandonnant lors de la 18ᵉ étape. Présenté comme le leader désigné sur l’épreuve, il avait subi la loi de son partenaire mexicain Isaac Del Toro, finalement deuxième derrière Simon Yates (Visma-Lease a Bike).
Routes exigeantes
La formation émiratie présente un duo capable de dicter le tempo et de verrouiller la course. Deux coureurs différents mais complémentaires, qui pourront tour à tour se protéger ou s’attaquer. Pourtant, l’équation de ce Tour d’Espagne 2025 pourrait bien se résoudre ailleurs. Car, face à eux, se dresse Jonas Vingegaard, immense favori. Double lauréat du Tour de France (en 2022 et 2023), dauphin de Pogacar sur les routes hexagonales lors des deux dernières éditions, le Danois vise un premier sacre à Madrid, le 14 septembre.
Lors de sa dernière participation à la Vuelta, en 2023, le chef de file de la Visma-Lease a Bike, vainqueur des 13ᵉ et 16ᵉ étapes, s’était mué en équipier de luxe de Sepp Kuss, terminant finalement deuxième, à 17 secondes de l’Américain. Le parcours, taillé pour les purs grimpeurs avec cinq journées de haute montagne, lui convient parfaitement sur le papier. Huit arrivées au sommet, des enchaînements de cols et deux contre-la-montre – par équipes, lors de la 5e étape, et individuel, sur la 18ᵉ – offrent à Jonas Vingegaard le terrain idéal pour user ses rivaux.
Sur ces routes exigeantes, dont le célèbre Alto de l’Angliru (12,4 kilomètres à 9,7 % de moyenne) lors de la 13ᵉ journée de course, le Danois pourrait être redoutable. D’autant qu’il pourra s’appuyer sur un collectif solide et discipliné, avec l’appui notamment de Matteo Jorgenson, vainqueur de Paris-Nice en mars, mais décevant sur le Tour de France, et Sepp Kuss, grimpeur d’expérience et redoutable lieutenant.
Malgré sa stature, Jonas Vingegaard sort de la Grande Boucle avec un goût amer. Incapable d’inquiéter Tadej Pogacar, il a dû se contenter d’une lutte à distance, avec plus de 4 minutes de retard sur le maillot jaune au classement général, à l’arrivée aux Champs-Elysées. Or, enchaîner deux grands Tours en moins d’un mois reste un défi colossal. La fatigue accumulée pourrait peser, de même que les tensions physiques et mentales.
L’incertitude David Gaudu
D’autres coureurs, moins attendus, gravitent dans l’ombre des favoris et visent une victoire d’étape ou une place d’honneur au classement général. L’Italien Giulio Ciccone (Lidl-Trek), lauréat de la classique de Saint-Sébastien (Espagne), le 2 août, le Colombien Egan Bernal (Ineos Grenadiers), fort d’un Tour de France (2019) et d’un Tour d’Italie (2021), ou l’Autrichien Felix Gall (Decathlon-AG2R La Mondiale), 5ᵉ de la récente Grande Boucle, sont de ceux-là.
Victime de plusieurs chutes depuis le début de la saison et forfait pour le dernier Tour de France, David Gaudu représente une incertitude notable. Le coureur de la Groupama-FDJ sera pourtant la meilleure chance française dans cette 80ᵉ édition de la Vuelta. En 2024, il s’était classé sixième, malgré un début d’épreuve délicat. Il sera cette fois coleader avec Guillaume Martin-Guyonnet, 16ᵉ du Tour de France 2025.
Il reste que, sans la présence écrasante de Tadej Pogacar, cette Vuelta s’annonce indécise à plusieurs niveaux, offrant un rare espace de suspense et d’imprévu dans une discipline où le Slovène domine souvent la course de bout en bout.