Plusieurs organisations de défense des droits humains critiquent un récent contrat de vente d’armes de plusieurs centaines de millions de dollars entre les Etats-Unis et le Nigeria, dont l’armée est régulièrement accusée de tuer des civils. Mi-août, Washington a approuvé une vente d’armes au Nigeria d’une valeur de 346 millions de dollars (environ 298 millions d’euros), comprenant bombes, roquettes et munitions, afin que ce pays d’Afrique renforce ses opérations contre les groupes djihadistes dans le nord-est.
A l’annonce de ce contrat de vente, les autorités américaines ont été « visiblement silencieuses sur le bilan des graves violations des droits humains imputées à l’armée nigériane, ainsi que sur les mesures, le cas échéant, qui seront mises en place », a déclaré dans un communiqué Anietie Ewang, chercheuse pour l’ONG Human Rights Watch. Le Congrès américain, qui a le pouvoir de suspendre ce type de vente, « doit vraiment poser ces questions difficiles que le département d’Etat évite », a-t-elle ajouté auprès de l’Agence France-Presse.
Surveiller l’usage de ses armes
Selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm, les Etats-Unis sont le troisième fournisseur d’armes du Nigeria, derrière la Chine et la Russie. Ils sont désormais concurrencés par la Turquie, le Brésil, le Pakistan et les Pays-Bas.
Entre 2000 et 2021, Washington a fourni au Nigeria « une assistance au secteur de la sécurité » de près de 200 millions d’euros ainsi que des armes d’une valeur de 510 millions d’euros. Des entreprises américaines privées ont fourni du matériel militaire pour 262 millions d’euros, selon un rapport de l’université américaine Brown.
« Les Etats-Unis restent tout de même le phare de la démocratie et doivent continuer d’être un exemple en matière de respect des droits humains », a déclaré le directeur d’Amnesty International au Nigeria, Isa Sanusi, appelant Washington à surveiller l’usage de ses armes.
L’ancien porte-parole de l’armée de l’air nigériane, Sadeeq Shehu, a qualifié la vente d’armes de « très bonne nouvelle » lors d’un entretien sur la chaîne de télévision Arise News, y voyant la preuve d’un renforcement des dispositifs de protection des civils.
Bloquer la vente d’un hélicoptère militaire
Mais la corruption présumée et les violations des droits humains au Nigeria ont parfois pesé sur les relations entre les deux pays. Sous la présidence de Barack Obama, Washington a bloqué des ventes d’armes au Nigeria, privilégiant la coopération avec le Tchad et le Niger dans la lutte contre Boko Haram. En 2021, le Congrès américain a temporairement bloqué la vente d’un hélicoptère militaire, invoquant des inquiétudes liées aux droits humains, avant de finalement valider la transaction.
Le rapport annuel sur les droits humains au Nigeria, publié par le département d’État américain la semaine dernière, fait état de frappes aériennes causant la mort de civils et d’actes de torture commis par l’armée.
Malik Samuel, chercheur pour l’ONG Good Governance Africa, s’interroge également sur l’efficacité des opérations militaires. « Vous ne pouvez pas me dire que les factions de Boko Haram ou même les bandits disposent d’armes plus sophistiquées », a-t-il déclaré, appelant Abuja à davantage miser sur la stratégie et le renseignement.