« Mon père, René Schneider, commandant en chef de l’armée chilienne lors de l’élection de Salvador Allende, a été assassiné en 1970, à Santiago. J’avais 25 ans. Le choc a été terrible. Trois ans plus tard, il y a eu un coup d’Etat. Les militaires, menés par le général Pinochet, ont pris le pouvoir. Le président Allende s’est suicidé. Je travaillais dans une entreprise publique de logements sociaux, où je faisais de la communication et des photos. Un matin, j’arrive dans le bâtiment et on me dit : “Vous ne pouvez plus entrer ici.” Comme j’avais étudié à l’Ecole des beaux-arts, on m’a envoyé travailler dans une entreprise de dessin technique.
La violence s’immisçait dans notre quotidien, se banalisait. Un parfum de danger empoisonnait l’air. A la maison, on recevait des menaces tous les jours, le téléphone n’arrêtait pas de sonner. Alors, j’ai décidé de quitter mon pays. J’avais 27 ans, un âge où l’on peut tout se permettre. Tout seul, j’ai pris un bus jusqu’à Buenos Aires, un bateau jusqu’en Espagne, puis un train jusqu’à Paris. Je quittais l’horreur. Ma femme et mon fils de 4 ans avaient fui le Chili pour les Etats-Unis quelques semaines plus tôt, je savais qu’ils me rejoindraient en France rapidement.
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