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L’organisation non gouvernementale (ONG) Cristosal qui enquête sur des cas de corruption et dénonce des violations des droits humains au Salvador, s’est dit, jeudi 17 juillet, contrainte à l’exil par l’« escalade répressive » du gouvernement de Nayib Bukele.

Cristosal est une voix critique de la politique sécuritaire du président Bukele. Elle fournit également une assistance aux familles des 252 migrants vénézuéliens expulsés par les États-Unis en mars et incarcérés dans une prison de haute sécurité du Salvador. Jeudi, l’ONG s’est dite victime de « harcèlement », « espionnage » et « diffamation ».

« Face à la répression croissante et à la fermeture des espaces démocratiques au Salvador, Cristosal est contrainte de suspendre ses opérations dans ce pays », a déclaré le directeur de l’organisation, Noah Bullock, lors d’une conférence de presse depuis la ville de Guatemala. « Confrontés à un appareil répressif sans limites (…) nous sommes obligés de choisir entre la prison et l’exil », a ajouté M. Bullock.

Cristosal a pris cette décision après l’arrestation en mai de l’avocate salvadorienne Ruth Lopez, cheffe de son unité anticorruption, et après l’entrée en vigueur en juin d’une loi sur les « agents étrangers », similaire à celles existant en Russie et au Nicaragua. Mme Lopez est visée par des accusations de détournement de fonds, qu’elle rejette. Amnesty International l’a déclarée « prisonnière d’opinion » et a demandé sa libération immédiate.

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« Il ne s’agit pas d’un cas isolé mais d’une stratégie de punition exemplaire visant à intimider. Ruth est en prison pour avoir exigé de la transparence et dénoncé la corruption. Comme elle, de nombreuses autres personnes ont été criminalisées pour leur travail ou forcées à l’exil », a souligné l’ONG dans un communiqué. Avec la loi sur les « agents étrangers », dénoncée par les organismes internationaux de défense des droits humains, les ONG se voient obligées de payer une taxe de 30 % sur les fonds qu’elles reçoivent. Les donations sont la principale source de revenus de Cristosal.

« C’est un instrument de contrôle autoritaire » qui « impose des sanctions discrétionnaires, des taxes punitives et une surveillance étatique pour censurer et punir les organisations indépendantes », estime Cristosal. Pour autant, elle a déclaré ne pas vouloir renoncer à sa personnalité juridique au Salvador. Fondée par des évêques anglicans il y a 25 ans, l’ONG a assuré qu’elle poursuivra ses activités à partir de ses bureaux situés au Guatemala et au Honduras pour protéger la sécurité de son équipe.

« Dictature installée »

Juanita Goebertus, directrice de Human Rights Watch (HRW) pour les Amériques, a réagi jeudi en estimant sur X que le départ de Cristosal aura pour conséquence « moins de justice pour les victimes, moins de supervisions des abus et moins d’espace pour la dissidence » au Salvador.

Cristosal, qui comptait une trentaine de militants au Salvador, estime que ce pays « a cessé d’être un État de droit ». « Lorsque exercer les libertés ou simplement contester le pouvoir entraîne des conséquences, (…) la dictature est installée », a dénoncé M. Bullock. « La criminalisation et l’exil des défenseurs des droits humains » visent à « soumettre la société » salvadorienne à « un régime de la peur », affirme-t-il.

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Plus de 40 journalistes salvadoriens se sont exilés ces derniers mois, selon l’Association des journalistes du Salvador, parmi lesquels des membres du journal en ligne El Faro qui avait dénoncé l’existence d’un pacte entre Nayib Bukele et les gangs avant que le président leur déclare la guerre en 2022. Une information que M. Bukele nie catégoriquement. Ces derniers mois, plusieurs détracteurs de Nayib Bukele ont également été arrêtés au Salvador, comme l’avocat environnementaliste Alejandro Henriquez, le constitutionnaliste Enrique Anaya et le leader communautaire José Angel Pérez.

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L’ONG WOLA, centre latino-américain de recherche et de défense des droits humains basé à Washington, a exprimé sa solidarité avec les militants qui « font face à des campagnes de harcèlement et de diffamation sous le gouvernement de Bukele ». « Ce qui se passe au Salvador est dévastateur », a jugé de son côté Kerry Kennedy, présidente de l’ONG Robert F. Kennedy Human Rights.

M. Bukele a été réélu en février 2024 grâce à la grande popularité de sa « guerre » contre les gangs, qui a nettement réduit la violence liée au crime organisé dans le pays. Cette offensive repose sur un régime d’exception en vigueur depuis 2022, critiqué par des groupes de défense des droits humains comme Cristosal car il permet des arrestations sans mandat judiciaire et réduit les libertés civiques.

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Le Monde avec AFP

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