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Les sites pornographiques installés dans l’Union européenne (UE) et hors de France devront de nouveau vérifier l’âge des utilisateurs : le Conseil d’Etat a fait savoir, mardi 15 juillet, qu’il avait invalidé une décision de suspension d’un arrêté interministériel sur le sujet.

« Le Conseil d’Etat rejette, pour défaut d’urgence, la demande de suspension de l’obligation de vérification de l’âge des utilisateurs imposée à certains services de diffusion de contenus pornographiques établis dans d’autres Etats membres de l’Union européenne », annonce la plus haute juridiction administrative dans un communiqué. Elle justifie sa décision en expliquant que « la société qui demande sa suspension ne démontre pas que cette mesure porte une atteinte grave et immédiate à sa situation économique ».

« YouPorn et Pornhub face au mur. Les manœuvres juridiques pour ne pas protéger les enfants ne fonctionnent pas », s’est félicitée sur X la ministre chargée du numérique, Clara Chappaz, très engagée sur la question. Avec la ministre de la culture, elle avait saisi le Conseil d’Etat dans le cadre d’une procédure en référé (en urgence). Les deux ministres demandaient l’annulation de la suspension d’un arrêté interministériel pris en février.

Dans sa décision, le Conseil d’Etat a jugé que le critère d’urgence, nécessaire dans le cas d’un référé en suspension, n’était pas rempli. La justice administrative, également saisie par un recours pour excès de pouvoir, devra encore se prononcer sur le fond.

Un accès temporairement bloqué

L’arrêté ministériel étend aux sites établis dans l’UE l’obligation d’empêcher les mineurs d’accéder à leurs contenus, conformément à une loi votée en 2024, sous peine de sanctions de la part du « gendarme » de l’audiovisuel et du numérique, l’Arcom, pouvant aller jusqu’au blocage. Les éditeurs de sites X doivent exiger l’envoi d’une photo ou d’un document d’identité, par exemple, en proposant au moins une méthode respectant le principe de double anonymat, qui permet de prouver sa majorité sans divulguer son identité. Auparavant, les internautes pouvaient se contenter de cliquer sur une déclaration sur l’honneur.

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En réaction, le géant de la pornographie en ligne Aylo, qui édite les sites Pornhub, RedTube et YouPorn, avait bloqué le 4 juin l’accès à ses contenus sur le territoire français, quelques jours avant une date butoir permettant à l’Arcom de sanctionner et de bloquer un certain nombre de sites domiciliés dans l’UE et ne se conformant pas à la loi – parmi lesquels Pornhub, YouPorn et RedTube, établis à Chypre. Cette décision était dans la droite ligne des actions prises par le leader du porno ces dernières années, qui s’oppose fermement aux législations l’obligeant à vérifier l’âge des visiteurs. Contesté par Hammy Limited, une entreprise du secteur des films pour adultes également installée à Chypre, et qui opère notamment la plateforme Xhamster, l’arrêté avait été suspendu le 16 juin par le tribunal administratif de Paris. Le 20 juin, ces sites étaient de nouveau accessibles en France.

Le rétablissement de l’arrêté ministériel par le Conseil d’Etat a de nouveau mené, mardi, au blocage en France des plateformes d’Aylo. « Les contestations juridiques, les décisions et les revirements en cours mettent clairement en évidence une chose : l’absence de direction, l’absence de solution globale et (…) le dysfonctionnement législatif », s’agace ainsi l’entreprise dans un message posté en une de ses principaux sites, accompagné d’une image évoquant le tableau La Liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix.

L’obligation de vérification de l’âge des utilisateurs de sites pornographiques fait l’objet d’un bras de fer ininterrompu entre certaines plateformes et le gouvernement français. Depuis la loi de 2024, puis la publication par l’Arcom d’un référentiel sur les moyens disponibles pour vérifier l’âge des utilisateurs, certains sites contestent cette obligation, évoquant notamment la question de la sécurité des utilisateurs.

Casse-tête

Selon les critères mis en place par l’Arcom, les sites sont obligés de proposer à leurs utilisateurs plusieurs méthodes de connexion, dont au moins une permettant le « double anonymat » – la possibilité de ne pas révéler au site son identité. D’autres pays comme le Royaume-Uni ou l’Allemagne imposent eux aussi des restrictions liées à l’âge pour l’accès à ces sites.

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Une partie de l’industrie pornographique argue que ce n’est pas aux sites de faire cette vérification, mais que celle-ci doit être faite au niveau du smartphone ou de l’ordinateur des internautes, renvoyant la balle à Apple, Google et Microsoft. Les principaux propriétaires de sites pornographiques en ligne accusent également la France de mettre en danger la vie privée des consommateurs en imposant des mécanismes de vérification intrusifs et peu fiables.

Si la vérification d’âge est, techniquement, un véritable casse-tête, c’est surtout pour Pornhub un quasi-arrêt de mort économique : comme la plupart des géants du streaming gratuit, Aylo a construit son succès sur le modèle de l’accès massif, gratuit et en un clic à des contenus pornographiques, s’appuyant sur les revenus publicitaires. Contrairement aux acteurs du payant, le groupe souffrirait d’une baisse de trafic potentiellement sévère.

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Le Monde avec AFP

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