Au moins 14 personnes ont été tuées, mercredi 4 juin, dans un bombardement d’un camp de déplacés au Darfour, une région de l’ouest du Soudan au cœur de violents combats entre l’armée régulière et les paramilitaires, a affirmé un groupe de secouristes, accusant les paramilitaires.
« Les Forces de soutien rapide ont bombardé à l’artillerie lourde un marché et des habitations dans le camp d’Abou Chouk, tuant 14 personnes et blessant plusieurs autres », selon une cellule d’urgence locale, l’un des nombreux groupes de volontaires qui fournissent une aide à la population depuis le début de la guerre en avril 2023. Ce camp, qui abrite des dizaines de milliers de personnes ayant fui la guerre, est situé à la périphérie d’El-Fasher, capitale du Darfour-Nord assiégée par les paramilitaires depuis plus d’un an.
Un avion-cargo a par ailleurs été bombardé mercredi, peu après son atterrissage, à l’aéroport de Nyala, capitale du Darfour du Sud, ont rapporté à l’Agence France-Presse (AFP) plusieurs témoins. Ni l’armée, menée par le général Abdel Fattah Al-Bourhane, dirigeant de facto du pays depuis le coup d’Etat de 2021, ni les Forces de soutien rapide (FSR) de son ex-adjoint, le général Mohammed Hamdan Daglo, n’ont donné d’informations concernant des frappes à Nyala.
« A 5 h 30 du matin, j’ai vu un avion-cargo atterrir sur la piste », a déclaré à l’AFP un témoin habitant près de l’aéroport de Nyala, ville contrôlée par les FSR, engagées depuis avril 2023 dans un conflit sanglant contre l’armée soudanaise. « Une demi-heure plus tard, j’ai entendu des explosions et vu de la fumée s’élever », a-t-il poursuivi. Ce témoignage a été confirmé à l’AFP par deux autres habitants de la région. D’autres témoins ont rapporté avoir entendu des explosions retentir dans plusieurs parties de la ville pendant environ une heure.
Des frappes « indiscriminées »
Ces dernières semaines, les frappes aériennes se sont multipliées au-dessus de la plus grande ville du Darfour, visant en particulier son aéroport, bastion stratégique des paramilitaires. Début mai, un avion-cargo venu ravitailler les troupes des FSR y avait déjà essuyé des tirs à l’atterrissage, selon une source militaire.
Dans un rapport publié mercredi, Human Rights Watch (HRW) dénonce les frappes aériennes « indiscriminées » des troupes du général Al-Bourhane contre des quartiers résidentiels et commerciaux de Nyala entre novembre 2024 et février 2025. Selon l’ONG, ces attaques ont tué de nombreux civils, y compris des femmes et des enfants, et provoqué des déplacements massifs de population. HRW affirme que le 3 février, l’armée a largué cinq bombes non guidées sur des zones densément peuplées. Selon Médecins sans frontières, au moins 32 personnes ont été tuées ce jour-là.
L’ONG Armed Conflict Location & Event Data (Acled), spécialisée dans la collecte de données dans les zones de conflit, a recensé « 41 jours de frappes aériennes à Nyala, dont plusieurs frappes par jour », entre décembre 2024 et février 2025, selon le rapport de HRW. Des images satellites analysées par Humanitarian Research Lab (HLR) de l’université Yale ont récemment montré la présence de six drones de fabrication chinoise dans l’aéroport de Nyala, « capables de surveillance et de frappes à longue portée », selon HLR.
Ravagé par la guerre, la famine et le regain du choléra, le Soudan est aujourd’hui morcelé : l’armée contrôle le nord, l’est et le centre du pays, tandis que les FSR tiennent certaines parties du Sud et la quasi-totalité du Darfour, une région vaste comme la France. La guerre a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué « la plus grande crise humanitaire actuelle », selon l’ONU.
Le gouvernement soudanais accuse régulièrement les Emirats arabes unis d’armer les FSR. Abou Dhabi a toujours nié toute implication malgré plusieurs rapports d’experts de l’ONU et d’organisations internationales. Les paramilitaires, eux, accusent leur adversaire de bénéficier du soutien de l’Egypte, ce que Le Caire a également démenti par le passé.