Livre. A l’heure où le monde catholique se dote d’un nouveau chef spirituel, en la personne de Léon XIV, premier pape nord-américain, il est bon de rappeler à quoi ressemble le Royaume terrestre de l’élu. C’est à cette plongée dans les arcanes du Vatican que nous invite l’ouvrage Vatican secret. Quatre années au cœur du plus petit Etat du monde (Stock, 240 pages, 20 euros), de Loup Besmond de Senneville, correspondant de La Croix dans la cité-Etat durant quatre ans.
Sa mission : pénétrer la « boîte noire » de la machine vaticane, une institution qui « se protège et a fait du silence une règle d’or ». Pour y parvenir, il faut faire œuvre de patience, identifier les interlocuteurs prêts à parler (qui ne sont pas toujours ceux qui ont des choses à dire…), multiplier les courriers manuscrits, écumer les arrière-salles des restaurants du Borgo, ce quartier de Rome sur lequel déborde le Vatican…
Cette institution puissante, qui préside aux destinées de 1,4 milliard de catholiques, est aussi un village – au sens propre, avec son esprit de clocher, ses voisins qui s’épient, ses rumeurs. C’est un univers à la fois ouvert sur le monde et profondément italien, empêtré dans le conservatisme et l’esprit de corps.
Enjeux diplomatiques
Le pape François, mort le 21 avril, n’a pu réformer qu’à la marge le fonctionnement de la curie, le gouvernement de l’Eglise, s’attirant en retour les foudres d’une partie de ses quelque 5 000 employés, qui n’ont cessé de saboter ses réformes. Le pape, dirigeant autocratique d’un Etat aux structures monarchiques, voit ici son pouvoir fortement limité.
En réponse, rappelle Loup Besmond de Senneville, François a développé ses propres réseaux, s’appuyant sur une poignée de proches et de « visiteurs du soir ». Il a aussi – « révolution silencieuse et irréversible » qui a fait grincer des dents – entrouvert la porte de l’institution aux femmes, et tenté d’assainir ses finances.
L’ouvrage s’attarde notamment sur cet épisode invraisemblable qui voit deux cardinaux se lancer dans une véritable « guerre » : l’Australien George Pell (1941-2023), un conservateur très critique de François, appelé à Rome pour nettoyer les écuries d’Augias ; l’Italien Angelo Becciu, emblème de la mauvaise gestion financière, qui sera finalement condamné pour détournement de fonds. En 2021, le premier accusera le second d’avoir payé des témoins pour obtenir sa condamnation, en Australie, pour des agressions sexuelles sur des mineurs. Pell a été innocenté en appel.
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