L’Assemblée nationale a renforcé, jeudi 22 mai, la procédure collégiale dans le cadre d’une demande d’aide à mourir. La version initiale de la proposition de loi d’Olivier Falorni (groupe MoDem) prévoyait que le médecin, après avoir vérifié que la personne remplit bien les critères d’éligibilité de ce droit, recueille obligatoirement « l’avis écrit » d’un médecin spécialiste de la pathologie et d’un auxiliaire médical ou aide-soignant intervenant dans le traitement du malade.
Mais les députés ont estimé, à une large majorité (112 contre 61), que la procédure devait être davantage encadrée, en votant un amendement du député Horizons et ancien ministre de la santé, Frédéric Valletoux, soutenu par le gouvernement et M. Falorni. Désormais, les avis écrits sont remplacés par la réunion d’un collège, composé a minima du médecin en charge de la demande, d’un spécialiste et d’un soignant impliqué dans le traitement de la personne.
Ce collège doit se réunir physiquement, et, si c’est impossible, à distance. Et il peut, à son appréciation, recueillir l’avis d’autres personnes, comme d’autres professionnels de santé par exemple – c’était déjà le cas dans la version initiale. C’est seulement à l’issue de cette procédure collégiale que le médecin pourra prononcer sa décision.
Durant les débats, des députés ont insisté sur la collégialité comme « un point central » et « d’équilibre » du texte, selon les mots de Yannick Monnet (Gauche démocrate et républicaine).
Pas de consultation d’un psychiatre
Mais pour les plus farouches opposants, ce changement n’est que « cosmétique », comme l’a dénoncé le député Philippe Juvin (Les Républicains). Ils ont tenté, sans y parvenir, d’ajouter un certain nombre de « garde-fous », selon leur expression. Ils souhaitaient, par exemple, que la décision ne soit pas prise par le médecin, mais par le collège, que la réunion ne puisse se tenir à distance, ou que le spécialiste ait obligatoirement examiné le patient. Au final, le texte prévoit que le spécialiste a accès « au dossier médical de la personne » et l’examine, « sauf s’il ne l’estime pas nécessaire ».
Plus tard dans la journée, le gouvernement a échoué à faire adopter un amendement prévoyant que le médecin recevant la demande d’aide à mourir consulte un psychiatre ou un neurologue dans le cadre de la procédure collégiale, « lorsqu’il a un doute sérieux sur le discernement de la personne ».
Plusieurs députés du « socle commun » ont jugé trop imprécise cette formulation, Charles Sitzenstuhl (Ensemble pour la République) estimant que « soit il y a un doute, soit il n’y a pas de doute ». La gauche a voté contre l’amendement, Sandrine Rousseau (Europe Ecologie-Les Verts) expliquant que les psychiatres ne sont « pas des spécialistes du discernement ».
Le gouvernement a, en revanche, obtenu le rétablissement d’un délai incompressible de deux jours entre la décision du médecin et la confirmation par le patient de sa demande.
Réévaluation après un délai de trois mois
Les députés ont ensuite étudié un article permettant au patient de choisir la date, le lieu et les personnes l’entourant au moment de l’administration de la substance létale. Un amendement du gouvernement adopté prévoit que le médecin réévalue la volonté libre et éclairée de la personne lorsque la date retenue intervient plus de trois mois après l’autorisation donnée – contre un an dans le texte auparavant.
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La question du lieu a particulièrement été débattue. Plusieurs députés ont tenté en vain d’établir que l’administration de la substance létale soit effectuée dans un lieu dédié, qui ne soit pas un Ehpad ou un hôpital.
« Ce lieu qui était pour la vie jusqu’au bout va devenir le lieu où (…) on reçoit la mort. C’est un changement important », a déclaré Dominique Potier (Parti socialiste). « Beaucoup de soignants m’en ont parlé avec un peu d’émotion », a ajouté l’élu.
Mais d’autres députés se sont opposés à l’idée de déplacer des patients. Un amendement prévoyant d’exclure les « voies et espaces publics » comme lieu possible pour l’administration a en revanche été adopté. Une position d’« équilibre » afin d’éviter toute « dérive », selon M. Falorni.
Le vote sur l’ensemble du texte, en première lecture, est prévu le mardi 27 mai.