La nette victoire du maire de Bucarest, le centriste pro-européen Nicusor Dan, à l’élection présidentielle en Roumanie, dimanche 18 mai, a été accueillie avec d’autant plus de soulagement à Bruxelles, au siège de la Commission européenne comme à celui de l’OTAN, que l’élection de son adversaire était parfaitement plausible. George Simion, candidat nationaliste d’extrême droite, avait réalisé un score sans précédent au premier tour, rassemblant 41 % des suffrages.
Après avoir commencé par contester les résultats dans la soirée, M. Simion a fini par reconnaître sa défaite au vu des chiffres définitifs du dépouillement. Avec près de 54 % des voix pour Nicusor Dan, la Roumanie échappe au scénario à l’américaine, une négation des résultats telle que celle orchestrée par Donald Trump en 2020. Elle échappe aussi aux graves problèmes qu’aurait causés l’élection de George Simion : les tensions avec la minorité hongroise, les relations difficiles avec l’Union européenne et ses pays membres, et la remise en question de l’aide à l’Ukraine par un pays du flanc oriental de l’OTAN. C’est donc une très bonne nouvelle pour l’Europe.
Celle-ci doit cependant être tempérée par l’incontestable progression de l’extrême droite, non seulement en Roumanie, mais dans deux autres pays dont les électeurs ont voté dimanche : la Pologne et le Portugal, dans l’est et l’ouest de l’Union européenne.
En Pologne, le maire de Varsovie, Rafal Trzaskowski, candidat centriste et pro-européen, est certes arrivé en tête au premier tour de l’élection présidentielle avec 31,3 % des voix, mais l’écart qui le sépare de son principal rival, Karol Nawrocki (29,5 %), candidat du parti conservateur nationaliste Droit et justice (PiS), est beaucoup plus mince que ne l’anticipaient les sondages. Et, surtout, le PiS est désormais débordé sur sa droite par un parti d’extrême droite, Konfederacja, dont le candidat, Slawomir Mentzen, a obtenu 14,8 % des suffrages. Si l’on ajoute aux scores de MM. Nawrocki et Mentzen les 6,3 % d’un autre candidat d’extrême droite, l’antisémite Grzegorz Braun, on obtient un bloc de 50 % des voix, bien supérieur au score du candidat de centre droit.
Le Parlement portugais divisé en trois blocs
Si les reports de voix ne sont pas encore figés, c’est un sujet d’inquiétude qui doit fortement mobiliser l’équipe de M. Trzaskowski, soutenue par le premier ministre, Donald Tusk, d’ici au deuxième tour prévu le 1er juin. Une victoire du candidat nationaliste, là aussi, aurait des conséquences importantes pour l’Union européenne et l’Ukraine. L’enjeu dépasse largement les frontières de la Pologne : la conférence des conservateurs américains CPAC, dirigée par les fidèles de Donald Trump, organisée pour la première fois en Pologne, aura lieu les 26 et 27 mai, à la veille du second tour. La participation du vice-président américain, J. D. Vance, est avancée comme possible dans les milieux politiques à Varsovie.
Enfin, au Portugal, si le premier ministre de centre droit, Luis Montenegro, peut se considérer conforté par le résultat des élections législatives, puisque son parti a amélioré son score (32,7 %) et gagné des sièges au Parlement, il n’a pas de majorité nette et doit composer lui aussi avec la montée du parti d’extrême droite Chega (22,6 %), qui talonne le Parti socialiste portugais (23,4 %) comme premier parti d’opposition. Ces deux partis ont désormais le même nombre de députés, dans un Parlement divisé en trois blocs qui n’est pas sans rappeler la situation française. Il s’agit bien d’une dynamique européenne – et d’un signal d’alarme.