C’est Fabien, un des trois fils de Joël Le Scouarnec, qui fut le dernier à rencontrer son père en homme libre, quelques semaines avant son arrestation et son emprisonnement, en mai 2017. Le garçon était venu lui rendre visite à Jonzac, en Charente-Martime, dans la maison où Le Scouarnec vivait alors reclus et solitaire, travaillant comme chirurgien à l’hôpital de la ville. Fabien a une place particulière dans la famille : 37 ans et sans profession à l’époque, il est le plus fragile des enfants, celui dont le grand-père paternel a abusé sexuellement quand il était petit. Lors de ce dernier tête-à-tête, le fils s’était risqué à demander au père : « Peut-être qu’un jour j’aurai des questions à te poser et peut-être que tu me répondras. » « Ou pas », avait laissé tomber le père, regardant son fils droit dans les yeux.
Depuis le 24 février, Joël le Scouarnec, 74 ans, est jugé à Vannes pour viols et agressions sexuelles contre 299 patients, mineurs pour la plupart. « Une structure perverse comme la sienne, c’est la première fois que je vois ça dans ma carrière », constate à la barre Jean-Jacques Dumond, psychiatre. Et comme en écho, Patrice Le Normand, psychologue clinicien : « Autant de perversions sexuelles chez une même personne, avec un spectre si large et une fréquence si haute, c’est un concentré comme je n’en avais jamais rencontré. » Dans le cadre de ce procès, quatre experts ont rencontré l’ancien chirurgien entre 2021 et 2023, dont deux dans un entretien commun. Devant la cour criminelle, leurs dépositions avaient quelque chose de vertigineux, l’impression de s’enfoncer dans un labyrinthe, où la mémoire s’ouvre et se ferme à la manière d’une trappe, un jeu de trompe-l’œil entre le vrai et le faux.
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