François Bayrou contredit par trois témoins qui ont déjà répondu sous serment aux députés
Savait-il, ou non ? Est-il intervenu, ou non ? Accusé d’avoir menti dans l’affaire de Bétharram, le premier ministre multiplie les dénégations depuis trois mois. Mais un ancien juge, un ex-gendarme et une professeure à la retraite, qui ont déjà répondu sous serment aux députés, ont contredit François Bayrou, comme sa fille aînée dans certaines de ses déclarations à la presse.
Les divergences portent sur trois points principaux.
- A-t-il eu connaissance, dans le passé, des faits dénoncés aujourd’hui ?
« Je n’ai jamais été informé de quoi que ce soit, de violences ou de violences a fortiori sexuelles. Jamais », a martelé François Bayrou le 11 février. Depuis l’ouverture de l’enquête judiciaire, début 2024, il a répété qu’une de ses filles ayant fréquenté l’établissement lui avait rappelé « une affaire de claques données par un surveillant », mais qu’il n’avait jamais été « averti » dans le passé des violences physiques et sexuelles dénoncées actuellement par 200 anciens élèves.
Françoise Gullung, professeure de mathématiques à Notre-Dame-de-Bétharram au milieu des années 1990 quand François Bayrou était ministre de l’éducation nationale, a pourtant déclaré aux députés, le 26 mars, l’avoir alerté à l’époque – par écrit puis oralement – sur des violences au sein de l’institution, sans être prise au sérieux. Elle affirme également avoir interpellé en vain son épouse, Elisabeth Bayrou, qui enseignait le catéchisme à Bétharram.
En mai 1996, l’actuel chef du gouvernement s’y était rendu après une première plainte d’élève, camarade de classe d’un de ses fils et victime d’une violente claque d’un surveillant qui lui creva le tympan. Alors ministre, il avait pris la défense de Bétharram, après qu’une inspection diligentée par ses soins eut blanchi l’établissement en chargeant Françoise Gullung.
- Est-il intervenu lors d’une première affaire de viol ?
« Jamais (…) je ne suis intervenu dans une affaire judiciaire », a déclaré François Bayrou, le 11 avril, au lendemain de l’audition à l’Assemblée de deux autres témoins clés.
Un ex-gendarme, Alain Hontangs, était revenu sur une affaire de viol d’élève par un religieux de Bétharram, le père Carricart, qu’il devait présenter au juge d’instruction le 26 mai 1998. Selon lui, ce magistrat l’avait alors informé d’un contre-temps, en ces termes : « Le procureur général demande à voir le dossier, il y a eu une intervention de M. Bayrou. » Le juge en question, Christian Mirande, a confirmé aux députés que le procureur lui avait demandé de « différer la présentation de Carricart », mais sans se souvenir qu’il fût question d’une intervention de François Bayrou.
Un second ex-gendarme confirme cependant la version d’Alain Hontangs. Rencontré par l’Agence France-Presse, Robert Matrassou assure que son collègue, revenu « en colère » à la brigade ce jour-là, évoqua une « intervention inhabituelle » dans la procédure, dont le juge avait « attribué la paternité » à François Bayrou. « Je suis sûr que Christian Mirande l’a dit, parce qu’Alain Hontangs m’en a parlé », dit-il. « Les juges et les gendarmes, ça se trompe comme les autres », a lancé le premier ministre face à ces témoignages.
- A-t-il rencontré le juge Mirande pour évoquer l’affaire Carricart ?
Devant la commission parlementaire, Christian Mirande a répété aussi que François Bayrou, alors député et président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques, était venu le voir chez lui durant la courte détention du père Carricart. Robert Matrassou ajoute que le juge lui a parlé de cette rencontre « une quinzaine de jours plus tard ». « Il m’a dit que M. Bayrou était “effaré” » et lui avait dit : « Vous vous rendez compte que j’ai mis mes enfants là [à Bétharram] ? »
Le Premier ministre a d’abord nié l’épisode avant d’évoquer une rencontre fortuite avec Christian Mirande à Bordères, près de Pau, où ils habitent. « C’est mon voisin depuis cinquante ans », a-t-il déclaré le 18 février à l’Assemblée. « Est-ce que nous avons pu parler de cette affaire ? Sans doute, oui (…) Nous avons pu parler de l’ambiance, de l’établissement, jamais du dossier [Carricart] » .
Le 23 avril, sur la chaîne YouTube de Mediapart, la fille aînée du premier ministre, qui a témoigné dans un livre sur l’affaire, a également évoqué cette rencontre. « Il ne s’en souvient pas, je pense, mais je suis là le soir où il rentre de chez le juge Mirande, on est là seuls tous les deux et il me dit : “Ne le répète surtout pas, j’ai juré d’être dans le secret de l’instruction” », a raconté Hélène Perlant. L’entourage du chef du gouvernement n’a pas démenti.
L’ex-juge Christian Mirande : « Bayrou a eu le tort de dire d’abord qu’il ne m’avait pas rencontré »
L’ex-juge Christian Mirande estime que François Bayrou « a fait gonfler le soufflé » de l’affaire de Bétharram en niant, initialement, être venu le voir en 1998 pour évoquer un dossier de viol impliquant un religieux de l’établissement catholique béarnais.
« Bayrou a eu le tort de dire d’abord qu’il ne m’avait pas rencontré. Ensuite, que c’était fortuit », déclare l’ancien magistrat dans une interview à Sud Ouest publiée mercredi, avant l’audition du premier ministre par la commission d’enquête parlementaire née du scandale.
« Il aurait dit “Oui, je connais l’ex-juge, je suis allé le voir, on a parlé de ce que la presse évoquait…”, point final, on n’en parlait plus ! », poursuit Christian Mirande.
« C’est mon voisin depuis cinquante ans », avait déclaré M. Bayrou au sujet de ce témoin-clé, le 18 février à l’Assemblée nationale, après avoir d’abord nié l’avoir rencontré à l’époque. « Est-ce que nous avons pu parler de cette affaire ? Sans doute, oui, (…) de l’ambiance, de l’établissement, jamais du dossier » Carricart, du nom du religieux accusé de viol, avait ajouté le premier ministre.
Selon Christian Mirande, François Bayrou était venu le voir chez lui pour « en savoir un peu plus sur les accusations visant le père Carricart », alors mis en examen et écroué pour le viol d’un élève à Notre-Dame-de-Bétharram.
« Il était heurté, pas tant parce que son fils y était élève que par le fait que l’institution était mise en cause », alors qu’il en était « un défenseur assidu », affirme l’ancien juge.
« Il n’arrivait pas à croire que Carricart ait commis ces faits. Je m’en souviens bien, il disait : “C’est pas possible, c’est pas croyable !” Cela démontre bien qu’il avait des liens avec lui », complète-t-il, alors que François Bayrou nie avoir connu le père Carricart, mort en 2000.
La chronologie des faits
Plus de 200 anciens élèves de l’établissement catholique béarnais ont dénoncé des faits de violences psychologiques, physiques ou sexuelles de la fin des années 1950 aux années 2000. Voici les dates-clés de la tentaculaire affaire de Bétharram.
Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans ce direct
Nous suivrons ici, à partir de 17 heures, l’audition du premier ministre, François Bayrou, par une commission d’enquête, à l’Assemblée nationale, sur ce qu’il savait dans l’affaire des violences physiques et sexuelles au collège-lycée catholique de Lestelle-Bétharram, dans les Pyrénées-Atlantiques.
Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois
Ce message s’affichera sur l’autre appareil.
Découvrir les offres multicomptes
-
Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.
Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).
-
Comment ne plus voir ce message ?
En cliquant sur « » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.
-
Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?
Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.
-
Y a-t-il d’autres limites ?
Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.
-
Vous ignorez qui est l’autre personne ?
Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.
Lecture restreinte
Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article
Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.