L’accusation et les premiers témoins ont dépeint, lundi 12 mai, à son procès à New York, le rappeur et producteur P. Diddy en chef violent et menaçant d’un trafic sexuel. Ils ont évoqué la « face cachée » d’un artiste et homme d’affaires à succès, qui a régné pendant trois décennies dans le monde du hip-hop.
Face à cette présentation sombre, détaillant de nombreuses violences et abus sexuels, notamment sur son ancienne compagne, la star du R’n’B Cassie, les avocats du rappeur, de son vrai nom Sean Combs, 55 ans, ont tenté de ramener le dossier à une « affaire d’amour, de jalousie, d’infidélité et d’argent ».
Devant douze jurés et six suppléants méticuleusement sélectionnés par les deux camps tout au long de la semaine dernière, le procès très médiatisé de cette figure du rap américain, aujourd’hui derrière les barreaux, est ainsi entré dans le vif du sujet ce lundi devant le tribunal fédéral de Manhattan.
Les jurés, qui vont rester anonymes, devront dire si l’artiste aux multiples Grammys et producteur à succès, qui a aussi fait fortune dans la mode et les alcools, a mis depuis au moins 2004 sa notoriété, sa richesse et son influence au service de ce trafic sexuel.
Une « face cachée »
Sean Combs était « une icône culturelle, un homme d’affaires hors normes », a déclaré la procureure, Emily Johnson, à propos de celui qui a fait émerger des artistes comme Mary J. Blige ou The Notorious B.I.G., assassiné en 1997. « Mais il avait une “face cachée”, celle d’un homme qui dirige une entreprise criminelle », a-t-elle immédiatement ajouté.
Elle a affirmé que Combs battait « brutalement » son ancienne petite amie, la chanteuse Casandra Ventura, connue sous le nom de Cassie, et qu’il menaçait de diffuser les vidéos qu’il filmait quand elle devait participer à des marathons sexuels avec des travailleurs du sexe.
L’un des hommes payés pour ces relations, Daniel Philip, a raconté aux jurés en détail ces épisodes remontant aux années 2012 et 2013, se souvenant de violences commises par l’accusé sur Cassie. « Pourquoi fait-elle ça, pourquoi elle reste avec ce type », s’était-il demandé.
« Cette affaire n’a rien à voir avec les préférences sexuelles privées d’une célébrité », a insisté la procureure. « Il s’agit d’actes coercitifs et criminels par nature », a-t-elle ajouté, sous le regard attentif de Sean Combs, assis entre ses avocats, les cheveux blanchis après huit mois de détention. Dans la salle, la mère de l’accusé était présente, ainsi que plusieurs de ses enfants, dont ses deux filles jumelles.
Témoignage attendu de Cassie
Sean Combs, dont la fortune avait été évaluée à plus de 700 millions de dollars par Forbes, est jugé pour trafic à des fins d’exploitation sexuelle, transport de personnes à des fins de prostitution, ainsi que des actes d’enlèvement, corruption et de violences regroupés sous l’inculpation d’entreprise criminelle. Il risque la prison à vie.
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D’après l’accusation, il obligeait ses employés à distribuer des drogues aux victimes lors de marathons sexuels. Ils auraient aussi eu pour tâche de les faire ensuite taire. Mais la défense a dépeint une toute autre réalité. Les accusatrices ? Des « femmes adultes, fortes, en pleine capacité ». Sa relation avec Cassie ? « Une histoire toxique entre deux personnes qui s’aimaient », a plaidé Teny Geragos, l’une des avocates de la star. « Ce n’est pas du trafic sexuel », a-t-elle insisté en décrivant la relation. Selon l’avocate, la défense admet qu’il y a eu des violences conjugales, mais l’accusé n’est pas jugé pour de tels faits. Témoin clé de l’accusation, Cassie pourrait être appelée à livrer son témoignage devant le jury dès mardi.
Une vidéo diffusée l’an dernier par CNN et captée par des caméras de surveillance avait montré Sean Combs se déchaîner violemment sur elle en 2016 dans un couloir d’hôtel de Los Angeles. Le premier témoin, lundi, Israel Florez, est l’agent de sécurité qui est intervenu ce jour-là. D’après lui, lorsqu’il a raccompagné le rappeur à sa chambre, ce dernier aurait tenté de le soudoyer pour ne rien dire avec une grosse liasse de billets.
Figure bling-bling, qui affichait ostensiblement sa fortune dans des fêtes somptueuses où se pressait le gratin du show-biz, P. Diddy, aussi appelé Diddy, ou Puff Daddy, est tombé de haut depuis les accusations, immédiatement réglées à l’amiable, de Cassie à l’automne 2023. Par la suite, plusieurs dizaines de plaintes au civil pour violences sexuelles, émanant de femmes et d’hommes, ont été déposées. Sean Combs clame son innocence et assure n’avoir eu que des rapports sexuels consentis. Il a refusé un accord de plaider-coupable proposé par l’accusation, dont les détails n’ont pas été révélés.