A l’appel de plusieurs organisations antiracistes et personnalités, des milliers de manifestants ont défilé à Paris, dimanche 11 mai, pour dénoncer « la progression de l’islamophobie en France » et rendre hommage à Aboubakar Cissé. Ce jeune Malien et fidèle musulman a été tué d’une cinquantaine de coups de couteau le 25 avril, alors qu’il se recueillait dans la mosquée Khadidja, à La Grand-Combe (Gard). D’autres rassemblements étaient organisés ailleurs en France dimanche, comme à Lille, où se sont rassemblées 400 personnes.
« Le racisme, ça commence avec des mots et ça finit comme Aboubakar », était-il écrit sur une pancarte visible dans le cortège où ont pris place de nombreux représentants de La France insoumise (LFI), dont son chef de file, Jean-Luc Mélenchon, l’eurodéputée Manon Aubry ou encore les députés Louis Boyard et Eric Coquerel, a constaté une journaliste de l’Agence France-Presse (AFP).
Yassine Benyettou, secrétaire national du collectif Red Jeunes et coorganisateur de la marche, a déploré cette semaine « une peur constante » grandissant dans la communauté musulmane, estimant que la « parole décomplexée » d’une partie de la classe politique alimente un climat antimusulman et « porte atteinte à la sécurité d’une partie de la population française ».

Hausse marquée des actes antimusulmans
La direction nationale du renseignement territorial a recensé 79 actes antimusulmans en France entre les mois de janvier et de mars (26 en janvier, 17 en février et 36 en mars), soit 72 % de plus qu’au cours de la même période en 2024, selon le ministère de l’intérieur. En 2024, 173 faits antimusulmans avaient été dénombrés, contre 242 en 2023, ce qui représentait une baisse de 29 %. Or de nombreuses associations antiracistes estiment que ces chiffres sont largement sous-estimés.
De la marche dans la capitale, le député « insoumis » Eric Coquerel a déploré une « augmentation de l’islamophobie de manière incontestable, jusqu’à la mort d’Aboubakar Cissé dans une mosquée ». « Jamais on ne dira assez la responsabilité du ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, qui fusionne droite et extrême droite », a-t-il, en outre, lancé.
L’assassinat d’Aboubakar Cissé a ravivé en France un débat politique autour du terme même d’« islamophobie ». Le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, dont l’attitude dans cette affaire a été critiquée par la gauche et des proches de la victime, a estimé qu’« il y a une connotation idéologique du terme “islamophobie” très marquée vis-à-vis des Frères musulmans, qui fait que dans notre ministère, on prend la précaution de ne pas l’utiliser ». Le premier ministre, François Bayrou, a au contraire défendu l’emploi du terme « islamophobe » dans cette affaire.
Ce débat politique, qui a divisé aussi la gauche, a trouvé un écho dans le cortège dimanche. Au milieu de drapeaux français et palestiniens, plusieurs slogans et pancartes ciblant le ministre de l’intérieur : « Même si Retailleau ne veut pas, nous on est là ».

Olivier Hadzovic, le meurtrier présumé d’Aboubakar Cissé, qui s’était rendu à la police en Italie trois jours après la mort du jeune homme de 22 ans, été mis en examen le 9 mai, pour « assassinat à raison de la race ou de la religion » et placé en détention provisoire, après avoir été remis à la France.