Rennes, Marseille, Strasbourg, Toulouse, Reims… Ces dernières années, dans le cadre de mes fonctions, j’ai eu l’occasion de parcourir la France, d’échanger avec des centaines d’automobilistes de tous horizons et d’observer de près les tensions qui ont émergé autour de la mise en place des zones à faibles émissions (ZFE). En dépit de la diversité des parcours et des opinions des personnes rencontrées, toutes s’accordaient sur un point : le sujet des ZFE est incompréhensible. En 2024, dans une enquête pour l’observatoire Roole, 6 Français sur 10 se disaient « très mal informés » sur ce dispositif. Et seulement 35 % des habitants de communes peu peuplées se disaient « bien informés » contre 45 % dans les communes de plus de 100 000 habitants. Derrière un acronyme froid aux airs technocratiques, ce sont pourtant des inquiétudes bien concrètes qui s’expriment face à des menaces qui pèsent sur le quotidien : peur de l’exclusion, sentiment d’injustice et de passage en force.
Dans beaucoup de villes, élus et citoyens se débattent dans un casse-tête d’exceptions, de dérogations, de calendriers mouvants. Les intentions sont bonnes mais la méthode a manqué de clarté. Résultat : le doute s’installe. Et bien sûr, les discours populistes s’en emparent avec facilité. Car quoi de plus efficace pour opposer « fin du monde » et « fin du mois » que la voiture, cet objet du quotidien, si vital et si chargé affectivement ?
Rien de surprenant là-dedans. La voiture n’est pas un simple outil de mobilité. C’est le principal mode de transport pour près de 80 % des Français. C’est aussi notre talon d’Achille climatique : première source d’émissions de gaz à effet de serre dans les transports, elle est au cœur de notre industrie, de notre géographie, de nos modes de vie. Elle cristallise surtout une fracture de plus en plus visible entre une France urbaine, bien desservie en transports collectifs, et une France rurale ou périurbaine, qui dépend de la voiture pour tout : travailler, se soigner, étudier, vivre. Aujourd’hui, 91 % des habitants de communes rurales sont dépendants de leur voiture pour leurs besoins quotidiens.
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