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Parmi les inégalités qui déchirent la société française et font le jeu de l’extrême droite, l’impossibilité nouvelle d’accéder facilement et rapidement à une consultation médicale dans de nombreuses parties du pays est l’une des plus insupportables. Plus d’un tiers des patients renoncent à des soins faute de rendez-vous et 6 millions d’entre eux n’ont pas de médecin traitant.

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C’est ce qui a rendu le « pacte de lutte contre les déserts médicaux », présenté vendredi 25 avril par François Bayrou, aussi attendu. Pour la première fois, un responsable de l’exécutif a osé annoncer une mesure contraignante tendant à « réguler » l’activité des médecins libéraux, là où ses prédécesseurs avaient choisi de simples mesures d’incitation sans réussir à endiguer ce véritable scandale sanitaire.

Le premier ministre a ainsi préconisé d’imposer tant aux médecins généralistes qu’aux spécialistes exerçant dans les endroits bien dotés un ou deux jours de temps de consultation par mois dans les zones en difficulté. Cette solidarité, soutenue par des « compensations financières » mais aussi par des pénalités pour les contrevenants, permettrait, selon le gouvernement, de réorienter près de 30 millions de consultations vers les « déserts médicaux », qui couvrent 87 % du territoire.

Appels à la grève

En cas d’échec, M. Bayrou menace implicitement de passer au cran supérieur : la remise en question du principe de liberté d’installation des médecins libéraux. Une disposition dans ce sens a été votée le 2 avril à l’Assemblée nationale, incluse dans une proposition de loi dont l’examen parlementaire doit se poursuivre le 6 mai.

La mise en œuvre des deux jours de solidarité par mois annoncés par le premier ministre apparaît difficile pour des raisons tant juridiques que logistiques. Elle constitue pourtant un progrès dans un domaine où les avancées concrètes n’ont jamais été à la hauteur de l’enjeu. En dépit de l’augmentation récente du nombre de médecins nouvellement diplômés, la répartition du corps médical sur le territoire ne s’est pas améliorée.

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Les syndicats de médecins assurent que des mesures de régulation – appliquées à toutes les autres professions de santé et pratiquées notamment en Allemagne – vont provoquer une fuite vers l’étranger, un risque peu documenté, et réduire l’attractivité de la profession. Vent debout contre pareille orientation, ils ont maintenu leurs appels à la grève et aux manifestations à partir du lundi 28 avril, en dépit de la modération de ces annonces. Il est vrai que, depuis des années, tous les gouvernements ont reculé devant le lobby médical, amplement représenté au Parlement et au sein des exécutifs.

Comment oublier que l’actuelle pénurie de médecins résulte du numerus clausus à l’entrée des études médicales appliqué pendant des années avec le soutien conjoint des autorités sanitaires – qui en attendaient une baisse des dépenses – et des organisations de médecins défendant leur corporation ? Comment négliger le fait que les études médicales sont financées par l’argent public et que la rémunération des médecins libéraux par l’Assurance-maladie impose un équilibre entre droits et devoirs ?

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Alors que les tendances démographiques accentuent la perspective d’un vieillissement de la population et d’une aggravation des difficultés d’accès aux soins, aucune des nombreuses pistes efficaces pour lutter contre ce fléau, qui mine la confiance en l’Etat et menace la cohésion sociale, ne peut être écartée. Notamment celle d’une régulation concertée de l’installation des médecins.

Le Monde

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