Lorsque le pape François s’adresse pour la première fois aux fidèles, après son élection en 2013, la place Saint-Pierre est, pour la première fois après un conclave, remplie de fidèles immortalisant la scène avec leurs iPhone. François, mort lundi 21 avril, a été le premier pape élu à l’ère du smartphone et de la généralisation dans le monde des impacts du numérique.
Lui-même n’était pas spécialement féru de technologie. Avant son élection, il n’utilisait ni e-mail, ni réseaux sociaux – les comptes Twitter et Facebook de la papauté ont été créés par son prédécesseur Benoît XVI. Mais François avait bien compris l’ampleur prise par Internet dans la vie quotidienne de toutes et tous, et de l’importance de cet outil pour communiquer, notamment avec les plus jeunes. Dès 2014, il participe à des tchats avec de jeunes croyants sur Google Hangouts ; en 2016, il ouvre coup sur coup un compte Instagram et une chaîne YouTube consacrée à la prière ; se prête, aussi, à des « selfies ».
Le smartphone et les réseaux sociaux ont été, sous son pontificat, la source de multiples questionnements pour les catholiques. En 2019, François résume sa position sur le sujet : « [La Toile] est une opportunité de promouvoir les rencontres avec les autres, mais peut aussi aggraver notre isolement, tout comme la toile d’une araignée peut nous piéger. » Il se dit préoccupé par les risques de cyberharcèlement, la captation des données personnelles, la désinformation, et note surtout que « les communautés sur les réseaux sociaux ne sont pas automatiquement de vraies communautés », au sens chrétien.
Utiliser la technologie « pour unir et non pour diviser »
Malgré ces mises en garde, François a affirmé à plusieurs reprises qu’Internet était « un don de Dieu ». Dès 2014, il appelait les catholiques à être des « citoyens du numérique » constructifs et à faire du réseau un outil de solidarité. Un message qu’il a répété en avril 2025, dans une prière appelant à utiliser les nouvelles technologies « à bon escient » : « Prions pour que l’utilisation des nouvelles technologies ne remplace pas les relations humaines, mais respecte la dignité des personnes et aide à affronter les crises de notre temps. »
Il faut, estimait-il alors, « utiliser la technologie pour unir et non pour diviser. Pour aider les pauvres. Pour améliorer la vie des malades et des personnes en situation de handicap. Utiliser la technologie pour prendre soin de notre maison commune ». Et garder à l’esprit que « l’écran nous fait oublier que, derrière lui, il y a des personnes réelles qui respirent, rient et pleurent ».
Des messages qu’il a pu, au fil des ans, tenter de faire passer directement à des figures des entreprises du numérique, qui ont défilé au Vatican. En 2016, Mark Zuckerberg lui offrait une maquette de drone, tandis qu’en 2022, Elon Musk faisait rencontrer au pape François quatre de ses enfants.
C’est aussi sous son pontificat qu’ont émergé les premières questions éthiques sur l’intelligence artificielle. A son corps défendant, il est d’ailleurs le sujet en 2023 d’une des premières « photos » générées par intelligence artificielle (IA) devenues virales : l’image, sur laquelle il apparaît vêtu d’une improbable doudoune, fait le tour des réseaux sociaux, semant le trouble chez des internautes bien en peine de déterminer s’il s’agit d’une vraie photo ou d’un « fake ».
Le Vatican, sous l’égide du pape François, n’a cependant pas attendu les outils d’IA générative pour s’intéresser au développement de l’intelligence artificielle. Dès 2020 était publié « l’appel de Rome pour des IA éthiques ». Invité au G7 en juin 2024, François consacrait un discours entier à l’intelligence artificielle, dans lequel il appelait notamment à l’interdiction des armes autonomes létales : « Aucune machine ne devrait jamais choisir d’ôter la vie à un être humain. »