Voilà quinze ans, le 10 mars 2010, une jeune climatologue inconnue du grand public ferraillait sur un plateau de télévision, à une heure de grande écoute, contre un monstre sacré de la science et de la politique. Valérie Masson-Delmotte, chercheuse au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement, défendait bec et ongles le consensus scientifique sur le réchauffement face à Claude Allègre, alors héraut des « sceptiques » français.
L’issue de cette passe d’armes revêtait une importance singulière dans le contexte de la fin des années 2000, marquée par l’échec de la COP15 de Copenhague et par la montée en puissance des discours niant la réalité du changement climatique. Mais, pour de nombreux scientifiques, vulgarisateurs ou journalistes intéressés par la controverse, la bataille contre le déni était quoi qu’il arrive imperdable sur le long terme. De toutes les attaques contre des savoirs constitués, le climatoscepticisme était le moins susceptible de faire souche.
La raison en était simple. Il est difficile d’éprouver personnellement l’efficacité d’un vaccin, ou le lien causal entre l’infection par le VIH et le sida, alors qu’il suffisait d’attendre que le réchauffement commence à produire ses effets au-delà du doute raisonnable pour que la controverse tombe d’elle-même. Tôt ou tard, chacun pourrait constater la réalité du réchauffement anthropique et la véracité des principales projections, disponibles de longue date. La persistance du discours climatosceptique, sous ses diverses formes, était donc impensable. Et de fait, depuis le fameux débat entre Mme Masson-Delmotte et M. Allègre, la température moyenne de la basse atmosphère s’est élevée d’un demi-degré, et chacun peut observer de visu le recul des glaciers, du trait de côte, éprouver la fréquence accrue des épisodes caniculaires, des sécheresses, des incendies ou des inondations catastrophiques.
« Forte perméabilité »
Pourtant, le « scepticisme » flotte toujours dans la conversation publique ; de grands médias n’hésitent pas à le promouvoir encore et toujours. C’est ce que montre une étude récente, conduite par les associations Quota Climat, Data for Good et Science Feedback, et dont les journalistes du Monde Audrey Garric et Brice Laemle ont rendu compte le 10 avril. En trois mois, près de 130 assertions relevant de la désinformation ou de la contrevérité ont été identifiées par les auteurs de ces travaux, de même que plus de 370 « discours d’inaction ».
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